Le premier album de Sandrine St-Laurent est une réussite de premier ordre. Simple, qui ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas, mais si bien écrit, si bien chanté, si bien arrangé. Plein de douceur et de mélancolie, d’amour qui finit mal (ou bien). Un album qui ne fait pas aimer l’hiver, mais qui fait aimer Sandrine St-Laurent.
Il fait froid, plutôt très froid (normal, c’est l’hiver). Il fait nuit et pourtant c’est le milieu de l’après-midi (eh oui, c’est l’hiver). Il fait gris, gris, gris… bon, on ne va pas vous le répéter… et parce que c’est l’hiver on est content quand éclate dans nos oreilles les premières notes de Lumière, le premier morceau de Celles que je connais. Une bulle, rosée, délicate, légère et chaude à la fois comme la voix de Sandrine St. Laurent, qui s’envole dans l’air au rythme d’une batterie sautillante. Après Lumière vient Je cours plus vite que toi qui commence doucement, un folk léger et tiède, vraiment une caresse, une plume – cette belle voix, charmeuse, aide beaucoup à cette ambiance – et puis Sandrine St. Laurent commence à courir et la batterie suit (ou précède) le rythme et on se prendrait presque à vouloir courir aussi (comme sur le clip). À ce moment-là, on ne prête pas forcément attention aux paroles. On se laisse charmer par cette musique qui, on en est convaincu, va mettre lumière, joie et chaleur dans ces journées qui ressemblent à des nuits. Quel plaisir…
Et puis, non ! Arrive Vert de Gris et tout change. Cette ambiance de légèreté et d’insouciance qu’une écoute superficielle des premiers morceaux nous avait fait percevoir disparaît. L’album se charge d’une mélancolie incroyable, d’une tristesse presque difficile à supporter. D’abord, il y a les paroles. On réalise que Sandrine St. Laurent parle d’amour, certes, mais de ces amours qui souffrent, qui abîment. D’amour qui sent la mort. On y parle mensonge et tricherie, tromperie, difficulté à s’aimer. Jugez plutôt, « J’ai le cœur amoché / À force de heurter tes remparts / J’ai beau m’accrocher / Je retombe sans cesse à la case départ », qui sert de refrain à La moitié de toi. Et que dire de ce Savane ! Superbe morceau d’une douceur addictive, qui ressemble à une lessive de printemps qui sèche dans un jardin qui commence à verdir, une musique simple et belle, des paroles susurrées. Beau, terriblement beau et doux — « Couchés dans l’herbe à même le ciel / Rien ne semblait nous importer/Il y avait dans l’air / Un soupçon de sincérité » ! Mais d’une beauté et douceurs vénéneuses : « Nous nous étions dit « je t’aime »/Tiré une balle au creux du cœur / Sous le soleil ravageur / Nous avions perdu la tête ». Diantre… D’ailleurs, ce Lumière si gai en apparence lui aussi brille d’une lumière noire – « Tu sais, moi j’aimais la lumière / Je l’ai perdue pour te plaire / Tu sais, j’aime aussi ton tonnerre / Mais il avale mes étoiles / Mes étoiles ». À en pleurer quand même, comme les morceaux qui sentent bon l’espoir – il y en a dans cette noirceur. Sandrine St. Laurent chante aussi un amour qui aide et qui sauve comme sur Ici et Chason pour Maman et surtout Vert-de-gris ou sur Lunes. Des concentrés d’émotion. Oui, à pleurer. Tellement qu’on en aurait presque envie de réconforter Sandrine St. Laurent…
Ne nous trompons malgré tout pas. Cette mélancolie triste, cette ambiguïté dans les sentiments humains est quand même sacrément séduisante. Celles que je connais nous propose 10 morceaux qu’on peine à ne pas réécouter. Des morceaux riches, bourrés d’arrangements subtils, de chœurs, de violons… Portés par une voix si belle, douce et suave, légère et pleine à la fois. Une voix qui ne force pas pour chanter des mélodies tellement belles et si émouvantes – difficile de résister à la tentation de répéter combien Lunes et Vert-de-gris ou Savanes sont des morceaux incroyables. Difficile de ne pas trouver une chanson sur les 10 qui ne soit pas à un moment où à un autre sa préférée. Et donc qu’on finit par réécouter en boucle.
Alain Marciano