Croyez-nous, on ne tombe pas tous les jours sur un EP comme ce Handprint Negatives des Néo-Zélandais de Ha The Unclear : cinq chansons stupéfiantes, qui parcourent à toute allure plein de genres musicaux, et qui nous donnent l’impression de découvrir un futur groupe majeur.
Lorsqu’on s’intéresse à un groupe néo-zélandais, et qu’en plus il vient de Dunedin, capitale mondiale de l’indie rock mondial post-Velvet Underground, on attend forcément une musique dans la lignée de ce que The Clean, The Chills ou The Bats ont inventé il y a plus de 30 ans de cela. Et d’ailleurs Michael Cathro, le leader de Ha The Unclear, reconnaît sa dette envers les pères fondateurs du rock néo-zélandais de haute volée. Et pourtant, les 17 minutes et 42 secondes de Handprint Négatives, leur nouvel EP absolument époustouflant, semble devoir peu aux guitares twang et aux rythmiques convulsives de leurs héros.
Growing Mould, leur premier single, qui ouvre le ban, est un truc absolument indescriptible, avec un chanteur dont la voix rappelle immédiatement celle de Gordon Gano de Violent Femmes, avec des chœurs doo-woop, et avec un texte incroyable, qui nous raconte ni plus ni moins qu’un dialogue de rupture amoureuse via un interphone : « 9569B / Was the code to your door but you’ve changed it / And I can’t get in anymore / Was it the clothes I never hung out? / (Growing mould in the corner) / … / Is it the emasculated songs I write? / (Try writing one about how you can’t do anything right) » (9569B / C’était le code de ta porte mais tu l’as changé / Et je ne peux plus entrer / C’étaient les vêtements que je n’ai jamais sortis ? / (Qui moisissent dans un coin) / … / Est-ce les chansons émasculées que j’écris ? / (Essaye d’en écrire une sur le fait que tu ne peux rien faire de bien). Tout ça est formidable de liberté et d’audace, tout en restant totalement candide, sans aucune prétention.
Secret Life of Furniture, qui suit, est peut-être encore plus renversant, ou en tout cas plus intense, avec une mélodie accrocheuse et un esprit punk qui rappellera vaguement la scène new-yorkaise (Cathro cite Parquet Courts comme un groupe dans lequel il se reconnaît). Mannequins accélère le rythme et Cathro nous régale avec un autre texte à la fois drolatique et totalement parano : « Storefront mannequins are lazy / At least crash test dummies have real jobs / They might have better looking ladies / They’re certainly a lot more frightening » (Les mannequins de vitrine sont paresseux / Au moins les mannequins de crash test ont de vrais jobs / Ils pourraient avoir de plus belles femmes / Ils sont certainement beaucoup plus effrayants).
Avec Paperboats, on change totalement de registre, avec un son plus acoustique, et une ampleur lyrique et une verve romantique imparables : on se permettra d’y trouver une parenté avec l’œuvre formidable des regrettés Triffids d’Australie, et du coup, il se pourrait bien que Paperboards, avec son final beau à pleurer, soit notre chanson préférée du disque. Enfin, jusqu’à ce Cave Paintings où la voix de Cathro, moins en roue libre que sur les quatre autres titres, plus maitrisée, nous poignarde en plein cœur : comment se peut-il donc qu’un EP, qui a démarré d’un air rigolard sur des chansons qui ne sont pas avares en clins d’œil, se referme un quart d’heure plus tard sur quelque chose d’aussi… SUBLIME ?
Formidable coup de cœur de ce mois de janvier pourtant déjà riche de belles musiques, Handprint Négatives est un véritable triomphe. Peut-être la confirmation d’un groupe majeur ?
Eric Debarnot