Deux ans après avoir posé comme Président de la République sur les affiches de son premier film Tout Simplement Noir, Jean-Pascal Zadi se lance cette fois dans la campagne présidentielle avec En Place. Une série généreuse, mais pas exempte de défauts.
En Place se présente comme une farce mais aussi une fable sur l’éternelle histoire du quidam anonyme qui se retrouve potentiellement à la tête d’une nation en portant son incompétence avec la plus grande des sincérités. En Place, c’est donc l’histoire de Stéphane Blé, un éducateur de banlieue qui interpelle vertement, face caméra, un élu en campagne pour la présidentielle. La courte séquence vidéo fait un tel buzz médiatique que le petit éducateur se retrouve propulsé comme une potentielle figure politique des futures élections, surtout lorsqu’un conseiller requin un peu pourri décide de l’aider dans sa campagne pour torpiller le candidat de gauche.
Il est clair que selon votre sensibilité politique, cette farce vous semblera plus ou moins pertinente, caricaturale et amusante, car si Jean-Pascal Zadi se moque de tout le monde, à commencer par lui-même, et qu’il tire à vue, jouant sur certains clichés de la banlieue, sa série reste une ode naïve et bon enfant « au vivre ensemble » et à « l’égalité des chances », prônant l’appropriation de l’exercice démocratique par et pour tous.
On pourra aussi reprocher à Jean-Pascal Zadi de rester sur un éternel et même registre, mais ce rôle de grand dadais un peu couillon et maladroit mais pétri de bonnes intentions lui va si bien qu’il serait dommage de s’en priver. En plus de Jean-Pascal Zadi qui joue sur du velours, la série s’appuie sur un casting tout simplement parfait. Benoit Poelvoorde est très bon en espèce de macroniste cynique et magouilleur, Marina Foïs, très drôle en caricature d’écolo-responsable progressiste, féministe et bio à la Sandrine Rousseau, Eric Judor parfait en conseiller politique sournois, et pour terminer, Fadily Camaraconfondante de naturel, de drôlerie, de tendresse et de spontanéité dans le rôle de l’épouse de Stéphane. Il faut ajouter à l’ensemble une belle galerie de seconds rôles et personnages avecPanayotis Pasco, Fary, Sébastien Thoen, Pierre Emmanuel Barré…
La série écrite avec François Uzan (Family Buisiness) est surtout portée par le sens du dialogue et de la vanne de Jean-Pascal Zadi qui se moque joyeusement des travers de notre société sans trop appuyer le trait. Les petites magouilles et coups de pute du monde politique, l’emballement médiatique, les liens entre pouvoir et médias, l’abandon de la France rurale, l’homophobie et l’antisémitisme des quartiers, les relents du racisme ordinaire, les dérives du progressisme, l’étendard écologique, la politique spectacle, la déferlante #Metoo sont autant de sujets que la série épingle, parfois d’un seul trait d’humour bien senti.
La série souffre tout de même de quelques défauts, à commencer par quelques ficelles narratives un peu grosses et une légère baisse de rythme sur les deux derniers épisodes. La disqualification des gros candidats tombe un peu comme une pirouette narrative facile. Tout le récit autour du jeune protégé de Stéphane semble au final assez artificiel et le grand débat entre les deux finalistes est finalement plutôt décevant par son manque de mordant. Alors que d’autres séries étale leur intrigue plus que de raison sur dix ou douze épisodes, On aurait aimé ici un ou deux épisodes de plus, ne serait-ce que pour boucler correctement quelques péripéties narratives qui se retrouvent expédiées d’un revers de manche comme dans l’épisode du clip de rap déterré du passé du candidat qui aurait sans doute mérité un développement et un épilogue mieux construit qu’un simple « c’est bon, ils ont tous oublié ».
Faute de moyens, on a aussi un peu de mal à ressentir l’ampleur d’une campagne présidentielle qui se résume pour le coup à deux trois sorties en province et quelques meetings de quartier devant trente péquins. Un épisode sur de l’entre deux tours et l’affrontement des deux finalistes (hors débat) n’aurait pas été de trop.
Freddy K
En place
Série TV créée par Jean-Pascal Zadi et François Uzan
Genre : Comédie
Avec Jean-Pascal Zadi, Eric Judor, Benoît Poelvoorde, Marina Foïs…
6 épisodes de 30 minutes environ
Disponible sur Netflix depuis le 20 janvier 2023
Tout simplement noir : Jean-Pascal Zadi fustige les clichés avec une certaine réussite