Ce soir au Supersonic, nous avons vu le futur du Rock’n’Roll ! Soit une vieille antienne régulièrement répétée… Et si c’était vrai, cette fois ? THUS LOVE, groupe moderne, trio aux genres fluides, jouant une musique clairement inspirée de Bowie et de Suede, se révèle sur scène une jolie tornade.
Une soirée de samedi à ne pas manquer au Supersonic, en dépit de la foule qui s’y presse rituellement désormais tous les samedi soirs, preuve du grand succès du concept : THUS LOVE, étonnante découverte d’un groupe US perpétuant une tradition Bowie / Suede pas si courante. Et pas si évidente non plus.
21h40 : The Drafts viennent de Tours et jouent un rock presque classique, ou tout au moins des plus variés, porté en particulier par la guitare incandescente d’un soliste assez virtuoses. Avec de très bonnes mélodies, une section rythmique efficace et un bon chanteur (ce qui n’est finalement pas si courant en France…) malheureusement handicapé par un sous-mixage de la voix dans la sono, The Drafts ont beaucoup de choses en leur faveur. Des chansons comme Dirty Believers ou Slow, par exemple, ont vraiment du potentiel. Et ils reprennent Radiohead : un groupe réellement prometteur.
22h40 : THUS LOVE débarquent donc au Supersonic, grâce à un aller-retour express entre deux dates aux Pays-Bas, ce dont nous sommes des plus reconnaissants ! Il faut savoir, même si c’est sans doute secondaire par rapport à la qualité de leur musique, mais elleux-mêmes insistent beaucoup là-dessus, qu’il s’agit un trio « queer », adepte de la fluidité des genres, comme iels se qualifient en riant… Ce qui pose quelques problèmes quand on veut parler d’eux en utilisant les bons pronoms personnels.
THUS LOVE n’ont pas pu faire de balance avant le set, du fait des manifestations qui les ont bloqués : « Vous au moins vous êtes politiquement actifs, pas comme les Américains ! », s’esclaffe Echo Mars, qui se montrera extrêmement volubile et très sympathique durant les 55 minutes du set. Les premiers morceaux sont assez chaotiques, et Mars, ludion intenable, met une ambiance infernale sur scène. Chaotiques, c’est-à-dire assez loin des chansons brillantes de l’album, mais suffisants pour juger des qualités su groupe, en particulier au niveau de leur énergie en live. Mars chante bien, même si, sur scène, il évoque plus Iggy Pop que Brett Anderson. Et il joue tout aussi bien de la guitare, tout en virevoltant en permanence. L’installation de la batterie se poursuit en même temps que le groupe joue, ce qui constitue en soi un spectacle inhabituel. Mars nous fait patienter entre les morceaux pendant que les derniers réglages du son se font en racontant des histoires, comme le fait qu’il s’est fait draguer, en arrivant à Paris, par une belle femme, qui était donc, d’après ellui une lesbienne qui s’ignorait !
Peu à peu, le set prend une allure plus « normale », ce qui serait presque dommage si les chansons de THUS LOVE n’étaient pas aussi bonnes. On appréciera pleinement des bombes émotionnelles comme In Tandem, Inamorato, et un nouveau titre qui va sortir, Centerfield.
Les trois musicien.nes assurent impeccablement, le son est assez énorme (ah, la beauté et la classe de la formule Power Trio, imbattable !), et Echo Mars est constamment au contact d’un public vite déchaîné (il y a beaucoup de jeunes Américains dans la salle), au moins quand il ne grimpe pas partout… Et il est impossible de ne pas penser : ellui, avec un talent et un charisme aussi évidents, va être énorme ! Et sans doute très vite. Bon, iel en fait des tonnes, occupant la scène à la manière d’un Jagger ou d’un Iggy, mais avec une sorte d’innocence enfantine qui fait qu’on ellui pardonne tout.
Le set se termine dans le genre d’atmosphère intense, « bordélique » et décontractée à la fois qu’on associe naturellement à des moments et des lieux mythiques de l’histoire du Rock : ce soir, le Supersonic de 2022 avait quelque chose du Marquee Club de 1964, quand les Stones débutaient, ou du CBGB’s en 1978 quand les Ramones jouaient après Blondie. Et Echo Mars marchait sur les traces de Bowie, d’Iggy et de Brett Anderson…
… Beaucoup de grands noms qui nous sont venus à l’esprit ce soir, qui dénotent d’une attente sans doute démesurée pour les frères épaules de Mars. Mais comment s’empêcher de rêver ? Comment également ne pas tomber amoureux/se d’un si beau Rock’n’Roll Animal ?
Photos : Robert Gil / Eric Debarnot
Texte : Eric Debarnot