Dans La Romancière, le film et le heureux hasard, un projet de film est l’occasion pour le prolifique Hong Sang-soo de (re)déployer son univers fait de marivaudages, d’alcool et de symétries de situations. Le recours au cinéma comme miroir de ses personnages ne se fait pas sans maladresses mais le film fonctionne.
Les détracteurs de Hong Sang-soo raillent son utilisation récurrente du zoom quand ils ne parlent pas de platitude formelle parce que sa caméra est peu mobile. Là où en revanche le cadre est toujours travaillé. Tout ceci participe d’une manière de faire du cinéma à l’économie : des films à très petit budget, vite tournés, parfois proches en termes de canevas, partageant des éléments de dispositif (symétrie des situations, correspondances narratives) mais tirant leur intérêt de petites variations autour de l’univers d’un cinéaste cousin coréen de Rohmer.
Le choix du noir et blanc ici participe d’ailleurs en partie de la même économie : ce fut le choix de cinéastes indépendants n’ayant pas l’envie ni les moyens de se payer un chef opérateur. Même si la couleur finira par rendre une petite visite au film ici présent. De même que le zoom est une manière chez lui de décentrer/recentrer une situation en mettant en exergue l’état d’esprit d’un de ses personnages.
La Romancière, le film et le heureux hasard appartient à première vue à la veine des Hong Sang-soo prenant comme toile de fond le 7ème Art tels que Conte de cinéma. Au travers d’un cinéaste, de son épouse, d’une actrice has been. Mais surtout décentré au travers de la figure d’une écrivaine à l’origine d’un projet de film. L’art de la correspondance du cinéaste fonctionne à plein. Un acte pourra contredire une parole prononcée quelques instants plus tôt, un rôle aura un lien avec le vécu personnel. Et comme souvent chez le cinéaste, l’alcool sera le meilleur moyen de démasquer les réelles intentions… ou d’avouer ses regrets en amour. Lorsque le film passe à la couleur, ce sera ironique, comme une inversion révélatrice pour les personnages (réel dans un noir et blanc « artificiel » vs artifice de la fiction en couleur).
Il est dommage cependant que le passage à la couleur soit aussi un passage à la mièvrerie. Elément qui combiné à l’insistance un peu lourde du récit autour de l’idée de charisme empêche le film d’être un très bon cru. Qui sait, le prochain millésime sera peut-être meilleur…
Ordell Robbie.