A partir d’un excellent sujet aux fortes connotations écologiques, donc particulièrement pertinent, The Rig échoue largement à nous offrir la série passionnante qu’on attendait. Et ce sera a priori à suivre dans une seconde saison…
Il est incontestable qu’au cours de ces dernières années, l’expansion des plateformes de streaming, leur succès – aidé par le phénomène des confinements qui a éloigné le public des salles obscures – a fait exploser le besoin de produire de la série TV au kilomètre pour satisfaire l’envie universelle de binge-watching. Il n’y a donc aucune surprise à constater une baisse de qualité accélérée des séries « grand public », qui crée un sentiment désolant mais inévitable de « fin de l’âge d’or » du genre qui a débuté plus ou moins au moment où HBO avec les Sopranos a réussi à imposer au monde et un nouveau format et un standard de qualité indiscutable. Même si de « grandes séries » continuent à naître, il y a donc un marasme dans le tout-venant de la production télévisuelle, dont on peine à voir une sortie.
Dernier exemple, la mini (?)-série britannique The Rig : à partir d’un point de départ classique de film de SF / Fantastique – disons le même que celui de The Thing ou de Alien, soit la confrontation d’une équipe de professionnels à une menace « étrangère » (« alien », donc) dont ils ont du mal à saisir la nature, et à laquelle ils ont encore plus de mal à résister -, les scénaristes ont eu la bonne idée d’introduire des thématiques actuelles, telles que l’extinction possible de la vie sur la planète, la possibilité d’un mécanisme d’auto-défense de la nature, et surtout la nuisance criminelle des grandes compagnies pétrolières qui n’ont pas d’état d’âme quand il s’agit de protéger et augmenter leur bottom line. The Rig nous raconte donc l’histoire d’une plateforme de forage pétrolier soudainement entourée, et isolée du reste du monde, par un brouillard surnaturel, et recevant une pluie de cendres « organiques » contaminant physiquement les membres du personnel.
On attaque donc le visionnage de The Rig avec pas mal d’enthousiasme, et ce d’autant qu’on connaît la capacité de la télévision britannique à peupler ses séries de personnages humains, crédibles, presque toujours excellement interprétés. Malheureusement, au fur et à mesure qu’on avance à travers les 6 épisodes de la série, il est difficile de se satisfaire d’une accumulation de péripéties peu passionnantes, d’invraisemblances, de pistes inexplorées ou rapidement abandonnées, et de comportements absurdes de la plupart des protagonistes. Il s’en dégage surtout un sentiment croissant d’ennui, causé par un manque de tension endémique : plus que de ventre mou de la série – un problème désormais récurrent né de ce besoin d’étirer une histoire insuffisante sur un lapse de temps déraisonnable -, on doit parler ici de « mollesse générale ». Alors que les scénaristes excellent dans l’art d’interrompre l’action par des considérations sentimentales ou psychologiques de leurs personnages, qui ne semblent pas plus stressés que ça par leur fin qui approche à grands pas, on ne nous tirera de notre torpeur qu’occasionnellement, pour de brèves scènes qui montrent ce que The Rig aurait pu être, si…
… Si son créateur, David Macpherson, s’était contenté de réaliser un film de 2h. Si les deux réalisateurs embauchés avaient su créer un réel suspense, de la vraie tension, et ainsi nous accompagner avec le personnel de la plateforme pétrolière (virtuelle et donc pas toujours très crédible) le long des coursives pour affronter de véritables menaces. Si les scénaristes avaient su focaliser leur récit sur une menace claire et compréhensible, et utiliser tous les aspects « techniques » de la plateforme autrement que pour créer des événements et des obstacles improbables, souvent noyés dans un jargon ne servant qu’à perdre le spectateur, et généralement résolus de manière quasiment magique par les protagonistes. Le sommet de la maladresse scénaristique est atteint dans le cinquième épisode avec l’apparition d’un nouveau « grand méchant » (Mark Addy, d’ailleurs délectable en ordure intégrale) aux plans pour le moins confus, dont la seule fonction semble être de relancer une histoire qui tournait en rond.
Le dernier épisode présente à la fois l’intérêt de faire (enfin) monter la tension, et le problème de nous offrir une conclusion littéralement suspendue, qui pourrait être élégante si elle n’était malheureusement qu’un appel du pied aux financiers pour préparer un gros chèque afin de financer une seconde saison dont, une fois de plus, on se serait bien passé. Et ce d’autant que, avec la « globalisation » du cataclysme que laisse prévoir les dernières images de The Rig, les limites souvent un peu embarrassantes d’effets spéciaux manquant clairement de moyens risquent d’être beaucoup, beaucoup plus gênantes.
Eric Debarnot