Valhalla, série Netflix originale, cartonne en audiences. Normal, elle prolonge les 6 saisons de l’indispensable Vikings (de History). De là à dire qu’elle arrive à faire oublier Ragnar, Lagherta, Ivar, Ubbe, Bjorn, Torvi, Gunnhild et la première génération de Kattegatois… Aucunement. Pas même un peu.
Valhalla est une série originale Netflix dont les deux premières saisons sont parmi les plus populaires dans les différents ratings du fournisseur de VOD, à l’heure où j’écris cette critique. Pas étonnant, ce spin-off de Vikings, qui reste un must du genre pour tous ceux qui aiment les guerriers à haches et boucliers de bois (mais pas les dragons ou le feu grégeois), remet le spectateur dans une époque et une esthétique qui font les beaux jours de toutes les fêtes médiévales françaises dans les années 2020. Il semblait évident qu’il adviendrait qu’on élargisse l’univers de la saga initiale et qu’elle serait largement suivie dans nos contrées. Mais encore faut-il trouver un second souffle.
Les deux saisons du nouvel arc narratif prennent place 100 ans après la saga initiale de la famille Lothbroke qui composait la trame du Vikings original (Eda légendaire qui est à la mythologique scandinave ce que la Chanson de Roland est à la littérature française). Situé dans un monde des guerriers vikings en pleine mutation, 100 ans après les événements servant le scénario initial, la série replace un Kattegat devenue ville au centre de nouvelles querelles de pouvoir. Les héros mythiques du premier arc narratif y sont vaguement évoqués (en fait, c’est pas mal comme manière de raccrocher sans vraiment raccrocher) comme le sont toujours les héros d’un autre âge: largement édulcorés ou mythifiés alors qu’on sait nous spectateurs de la première heure que tout ce qui est raconté n’est pas tout à fait exact, on a bingé les six premières saisons.
Cette trouvaille est la seule vraie originalité de la version Netflix de Vikings. Proposer le prolongement, 100 plus tard, de conflits et réflexions qui étaient déjà larvés dans les premières saisons. Athelstan et Ragnar ne sont plus seuls à douter de leur foi en les dieux de la mythologie nordique. La religion catholique a assis son pouvoir sur les différentes colonies. Les rois vikings adoptent les mœurs occidentales qui avaient déjà séduit Rollo, et rares sont encore les guerriers élevés dans une tradition rigoureuse. Les filiations ont créé un morcellement de petits royaumes du Groenland à la Russie et plusieurs sont en lice pour le trône de roi de Norvège. A l’inverse, les royaumes saxons et normands voient dans les mariages de raison avec les guerriers chevelus la possibilité de s’épargner raids et razzias.
Tout ce qui était esquissé dans la première épopée a évolué ou a pris une importance plus grande au quotidien. La nouvelle série prend le parti d’aller jeter l’encre dans les conséquences de tous les univers et questions de société déjà identifiés initialement : raids, voyages, politiques, place des femmes dans le pouvoir médiéval, commerce, techniques de navigation, découverts par la première génération.
L’innovation s’arrête là. Comme sa grande sœur a été un carton, Valhalla en reprend de facto exactement les éléments esthétiques les plus saillants : soit une reconstitution plausible de la vie des guerriers nordiques, des combats musclés, sanglants superbement chorégraphiés, des personnages féminins conséquents et un rythme virevoltant porté par des visuels impressionnants qui font souvent penser aux prouesses de Game of thrones en la matière. La série a été créée par Jeb Stuart et Michael Hirst, qui ont également créé la série originale « Vikings » ce qui lui assure une continuité nette. Trop pesante d’ailleurs.
Comme la version initiale, Valhalla présente ici aussi des destins croisés qui s’allient ou s’affrontent parfois de manière presque totalement symétrique avec la première génération. C’est très flagrant dans la première saison qui semble comme le récap de début d’épisode de toute la série initiale. On a la famille unie, un duo de guerriers homme femme charismatiques comme le furent Ragnar et Lagherta, une lutte quasi fratricide qui rappelle celle de Harald Belle Chevelure contre Ragnar, des frangins cupides aimants ou non, un compagnon de route à la Floki, une reine Emma de Normandie énigmatique et forte qui remplace une reine saxonne énigmatique et forte, des faire valoir retors, un petit tour dans la Russie de Novgorod, la prise de Londres qui remplace celle de Paris…. etc etc. Si on cherche une originalité scénaristique… On repasse. Valhalla prolonge, mais n’innove strictement en rien. C’est presque hallucinant d’ailleurs avec autant de moyens.
Comme la version initiale, la force de vikings Valhalla est dans le façonnage “petit à petit” de personnages avec lesquels on s’attache parce qu’on “grandit” avec eux au sein de l’histoire. Mais si Sam Corlett, Léo Suter, Frida Gustavsson, Laura Berlin, et Bradley Freegard, personnages principaux de ce nouveau chapitre y mettent du cœur à l’ouvrage, le mélange de redondance narrative et de comparaison avec le jeu et la prestance du casting initial, fait pencher la balance du charisme à leur désavantage. C’est d’ailleurs presque plombant saison 1: des héros auxquels on s’attache mal, qui vivent des aventures qu’on a déjà vues… Il manquait un je ne sais quoi, dont j’ai l’impression que le showrunner a pris conscience en fin de round.
La saison 2 ne change pas fondamentalement la donne, mais trouve au moins une manière de décaler un peu la symétrie du récit avec sa grande soeur (mention spéciale aux scènes sur le lac gelé) et tente de se rapprocher de l’intimité personnages. Ce qui rend les personnages à la fois un peu plus attachants et l’histoire un peu plus accrocheuse. Mais sans jamais retrouver l’étincelle de la première épopée. Les prises de vue sont inspirées des dernières saisons du chapitre original, soit du vikings où les scènes de combat prennent du volume, des figurants, et des fx pour compenser un peu en grand spectacle d’entertainement ce qu’on perd immédiatement en épaisseur du scénario….
Le résultat est une série totalement dispensable si tu n’as pas la référence initiale, parce qu’on ne va pas se leurrer, comme pour Sons of anarchy Mayans, spin of de Sons of anarchy Samcro, ce qu’on vient chercher avant tout dans les séries dérivées quand on a sur Netflix (ou Disney ou autre) la possibilité de regarder aussi la série initiale, c’est la possibilité de se plonger un peu plus longtemps dans un univers qu’on a aimé initialement et avec laquelle on a envie de vivre un peu plus longtemps.
On le sait bien, au fond qu’on y vient surtout avec un peu de nostalgie et le regard outrageusement critique mais on y vient quand même. Et c’est cette caractéristique qui nous permet de passer au dessus d’une histoire moins bien foutue et de personnages moins charismatiques et permet aussi à Netflix de supprimer le partage de compte fin mars….
Valhalla n’est pas un must see et sa première saison était même tellement mou-du-genou que j’ai hésité à m’enquiller la saison deux parue fin d’année 2022: “en vrai je m’en fiche un peu de Leif et Harald qui se la jouent cheval de Troie à la Ragnar sous le pont de Londres….” Mais, si comme moi, tu as pour la mythologie nordique une réelle affection et si Vikings première époque est rentrée dans tes séries préférées… Alors, tu seras faible et Valhalla fait office de prolongation d’univers tout de même pas désagréable à regarder et de plongée moyenâgeuse suffisamment crédible.
Je n’irais pas jusque courir m’abonner à Netflix pour en profiter, mais comme c’est la chaîne au « N toudoum » qui a récupéré la licence de la chaîne History pour les saisons initiales… bah 8 saisons au pays du sang, des épopées, du charme et du muscle franchement ça le fait. D’autant qu’entre FX, chorégraphies, sportives de haut niveau, mannequins énigmatiques et grands bruns torses nus aux abdominaux comme dans les vestiaires du mondial de Rugby, le visuel n’est vraiment pas le défaut de l’ensemble. Un condensé du monde viking taillé pour la télé avec suffisamment de réalisme pour ne pas provoquer les rebuffades des historiens, et suffisamment de petites entorses historiques pour qu’ils aient envie de la regarder pour la critiquer. Tout ceci constitue à la fin un plat divertissement efficace où y’a un con qui a choisi de la glace industrielle en dessert.
Plus qu’à espérer que -alors qu’une saison trois est annoncée en cours de production-, les créateurs ne finissent pas par dénaturer complètement la pérennité de la série originale. « Vikings » qui elle est entrée dans mon panthéon personnel des séries. Imagine les gens au bout de mettons 12 saisons au total: « Vikings? la série pléthorique avec les guerriers du nord là… ouais bof…. » Omandieu….
Parce que, faut pas déconner hein, on ne joue pas en toute impunité avec l’héritage de Ragnar Lothbroke et Ivar Ragnarson.
Denis Verloes
Vikings Valhalla
Netflix : Premier épisode diffusé le 25 février 2022, Saison 2 2023
Par Michael Hirst et Jeb Stuart
Avec: Leo Suter, Frida Gustavsson, Laura Berlin, Sam Corlett…