Au-delà d’un scénario qui emprunte largement les ficelles classiques d’un Harlan Coben, la seule bonne raison de regarder l’Abîme réside dans la beauté des paysages et l’originalité des décors. Pas certain que ça soit suffisant…
Un beau matin, Elsa Lacaze mère de famille heureuse en ménage et agente immobilière à la réussite professionnelle indiscutable, disparaît au cours d’un jogging, sans laisser de traces. L’enquête menée par l’inspecteur Martineau, un « ami de la famille », mais surtout par son mari, Laurent, et leur fille Lucie, rapidement poursuivis d’ailleurs par la police, va révéler de bien sombres secrets dans le passé d’Elsa…
Et non, même si ça y ressemble beaucoup, ce n’est pas le synopsis n’un énième roman d’Harlan Coben, mais bien celui de l’Abîme, la nouvelle minisérie policière de France TV ! On ne peut donc pas dire que Yann le Gal et son équipe de scénaristes soient allés chercher une source d’inspiration bien originale. Par contre, c’est l’une des rares qualités de l’Abîme, que de nous proposer en 6 épisodes une énigme satisfaisante, avec des rebondissements efficaces, qui nous donneront envie de bingewatcher la série en dépit de ses faiblesses flagrantes. Qu’importe si le téléspectateur habitué aux polars devinera qui est coupable bien avant la fin du dernier épisode, cette prévisibilité ne gâche pas le plaisir qu’on peut prendre à voir le couple Lacaze se débattre dans les rets qui les enserrent.
En revanche, pour le reste, le bilan n’est guère folichon au moment de l’établir :
A l’actif de l’Abîme, de très beaux paysages (l’action se passe à moitié dans le Parc Naturel du Verdon, et à moitié dans la région de l’étang de Berre) et des sites spectaculaires : on peut parier que les visites touristiques de Moustiers-Sainte-Marie, et surtout de Saint-Chamas, théâtre de courses poursuites à pied peu conventionnelles dans un cadre original de falaises et de grottes, exploseront en 2023… tout du moins si la série est un succès populaire.
Au passif, on a malheureusement à peu près tout le reste… Il y a pas mal de trous dans la logique du déroulement de l’action, une multiplication de comportements incohérents des personnages, ce qui devient de plus en plus coutumier dans les séries TV. Le dernier épisode invente une machination rocambolesque pour retourner la situation, alors qu’il était tout à fait possible de construire une conclusion plus logique et donc plus satisfaisante. La réalisation de François Velle reste purement fonctionnelle, et ce d’autant que l’on sent bien que les instructions qu’il a reçues concernent avant tout la mise en valeur des paysages et du décor. Mais le plus grave, c’est une interprétation générale très faible, à la limite du désastre par instants, qui amène à se poser des questions existentielles sur le pool de comédiens français disponibles pour les fictions télévisuelles, à moins que cela ne soit sur la direction d’acteurs qui n’est clairement pas un souci chez France TV. Alors qu’en Grande-Bretagne, dans n’importe quelle série, le moindre second rôle est toujours brillamment interprété, qu’est ce qui fait que les fictions françaises soient aussi pitoyables à ce niveau-là ? Car, soyons francs, Sara Mortensen (Elsa), Gil Alma (Laurent) et Christopher Bayemi (Cédric), pour ne citer qu’eux, sont constamment mauvais.
Et de ça, l’Abîme ne peut pas se relever.
Eric Debarnot