On reparle beaucoup de la version Netflix de A l’Ouest, rien de nouveau, célébré par les BAFTA en Grande-Bretagne et attendue aux Oscars. Mais ce remake mérite-t-il autant d’attention ?
Je ne devais pas avoir bien plus que dix ans quand mon père, obsédé par les « films de guerre » m’emmena voir au cinéma où il était ressorti le film de Lewis Milestone, datant de 1930, All Quiet on the Western Front. Pour moi, ce furent 2h30 de terreur, de souffrance, d’ennui, qui faillirent le dégoûter du cinéma à jamais. Mais peut-être cette épreuve, dont je garde encore vivace, au fond de ma mémoire, le souvenir traumatisé, contribua-t-elle aussi à faire de moi un farouche adversaire de toute guerre… un foutu pacifiste ? Ce qui, quelque part, était l’objectif de l’écrivain allemand Eric Maria Remarque lorsqu’il écrivit son chef-d’œuvre, Im Westen nichts Neues, en 1929, dix ans seulement après la défaite allemande de la Première Guerre Mondiale. On a d’ailleurs à moitié oublié que ce livre, un best-seller de son époque, fut l’un des premiers à être brûlé en 1933 à l’arrivée des Nazis au pouvoir.
Bref, d’une part vous avez un texte pacifiste essentiel du XXème siècle, et une première version cinématographique considérée comme définitive, et de l’autre l’idée un peu saugrenue de refaire une adaptation – en fait assez lointaine, comme si réutiliser le titre du livre suffisait à établir la crédibilité du film – de A L’Ouest Rien de Nouveau, qui plus est en co-production germano-britannique et états-unienne. Et au milieu, il y a moi, qui n’ait pas besoin depuis mes dix ans de m’infliger à nouveau l’histoire désespérante d‘un jeune allemand emporté dans l’enfer de la guerre des tranchées, dont nous assistons aux efforts pour survivre alors qu’on est en novembre 1918, à quelques jours, puis heures, puis enfin minutes de la signature de l’armistice (le 11/11 à 11 heures du matin, pour ceux qui l’ignoreraient…).
En fait, cette nouvelle version ne souffre pas de défauts réellement rédhibitoires, même si l’on peut rapidement déplorer un excès d’esthétisme déplacé (mais Mendes a fait bien pire avec son 1917 que les jeunes générations portent pourtant aux nues)… Et puis il y a surtout cette sorte d’atonalité de son scénario, où le fait que les personnages soient ballotés par l’Histoire sans jamais pouvoir avoir prise sur leur destin n’est jamais transcendé en une question ni existentielle, ni même réellement politique.
En fait le problème du film d’Edward Berger est bel et bien qu’il vient après les Sentiers de la Gloire (Kubrick) et après Croix de Fer (Peckinpah), qui ont déjà tout dit de l’horreur de la hiérarchie militaire, des va-t’en guerres inhumains qui conduisirent à la mort des millions de jeunes gens dans une boucherie immobile. Donc tous les passages, assez conventionnels, qui montrent l’obscénité du leadership politique et militaire, ne nous apprennent rien de nouveau, et semblent réellement inutiles, malgré les efforts de Daniel Brühl pour introduire un peu de passion là-dedans… On pourra louer en revanche le réalisme effroyable des nombreuses scènes de bataille, immersives et éprouvantes, même si elles n’atteignent pas encore la force de celles, inoubliables, du débarquement allié de Saving Private Ryan : n’est pas Spielberg qui veut !
Au final, on se retrouve devant un film qui parle – alors qu’elle est revenue en Europe – de l’horreur absolue de la guerre, mais qui est trop long, finalement peu impliquant ni émotionnellement, ni intellectuellement, et vaguement inutile. Que cette production Netflix de prestige vienne de recevoir de nombreuses récompenses aux BAFTAs, et soit nominée aux Oscars, fait qu’on peut avoir envie d’y venir ou d’y revenir…
Mais ce retour à l’actualité ne signifie nullement qu’il s’agisse d’un film important, ni même particulièrement réussi. Autant regarder le classique de Milestone ou, mieux encore, lire le livre.
Un film à voir sur Netflix en utilisait trial vpn
Eric Debarnot