Alors que Paris semblait glacial et triste, le meilleur endroit pour se réchauffer en ce samedi soir était sans aucun doute Petit Bain, où les formidables Circa Waves prouvaient, comme à chaque fois qu’ils jouent en ville, que la grande pop anglaise, gaie, rapide, excitante, reste une proposition irrésistible.
« Circa Waves, c’est plus ce que c’était… » : voilà ce qu’on entend répéter un peu partout les puristes déçus par les tentatives du groupe de Liverpool pour recruter un nouveau public en amorçant un virage plus pop, qui les rapproche d’un Two Door Cinema Club. Bon, le mieux est évidemment d’aller juger sur pièce où en est le groupe, qui passe justement à Petit Bain ce samedi. Petit Bain qui affiche d’ailleurs complet pour l’occasion, ce qui montre que le désamour est loin d’être général : la foule qui se presse devant la scène, largement jeune et féminine, confirme que le rock anglais, lorsqu’il est gai, mélodique et énergique, fait toujours recette auprès des plus jeunes générations…
19h 30 : Originaire de Bristol, le quatuor The Ramona Flowers a une trajectoire compliquée, si l’on en croit ce qu’on lit ça et là. Il semble qu’ils ont longtemps cherché à concilier électronique et rock, mais il n’y a aucune trace de tout ça dans le set de 30 minutes de ce soir… qui ne comprend d’ailleurs a priori aucune ancienne chanson… The Ramona Flowers jouent de la pop anglaise dans le sens « classique » du terme : des rythmes sautillants, des mélodies faciles à reprendre en chœur, un chanteur qui sait chanter et des musiciens qui savent jouer… d’une certaine manière, même s’il manque clairement ce petit rien qui fait la différence, qui permet à un groupe de se distinguer de la masse, ils témoignent d’un savoir faire britannique en la matière que nul autre pays sur la planète n’est jamais parvenu à maîtriser à ce niveau. Alors oui, c’est lisse et facile, et quand ils jouent la seule chanson lente, qui plus est porteuse d’un thème personnel, The Sins of the Father, on a l’impression d’être devant une baudruche qui se dégonfle… Et il y a même une sensation gênante de manque de sincérité dans les discours convenus du chanteur, mais pourquoi ne pas arrêter d’analyser tout ça, et juste passer un BON moment ?
20h35 : Dès l’attaque de leur set sur le morceau d’ouverture de leur nouvel album, Never Going Under, on saisit la différence entre Circa Waves et The Ramona Flowers : dans un genre musical finalement très proche, les Liverpuldiens ont tout bon : une dose généreuse d’enthousiasme, un immense plaisir de jouer, une attention sincère envers leur public. « But no one gets high like we do / Yeah, baby, they try to pull us down, but we’re never going under » (Mais personne ne s’éclate comme nous / Ouais, chérie, ils essaient de nous tirer vers le bas, mais nous ne sombrerons jamais) : c’est exactement ça, une énergie positive, une joie d’exister qui ne peut que séduire la jeunesse en notre sombre époque.
Kieran Shudall est un leader impeccable : il chante parfaitement, sa voix évoquant tantôt celle de son compatriote Miles Kane sur les titres les plus rock, tantôt celle d’Alex Trimble de TDCC sur les moments plus pop (Your Ghost). Il est mignon comme un jeune Robert Smith aux yeux clairs, il prend soin de son public lorsque les bousculades deviennent incontrôlables parce que tout le monde saute en l’air et que le plancher de notre Petit Bain chéri devient littéralement un trampoline, bref il a tout du gendre parfait que vous aimeriez accueillir dans votre famille !
Musicalement, on est proche de la perfection, c’est léger, tranchant comme il faut pour équilibrer avec le sucre de mélodies parfois presque trop jolies. Tout est joué vite et proprement, sans qu’une chanson dépasse les trois minutes, ce qui évite de se lasser à trop répéter les « La la la » de refrains incontournables : bien sûr, à ce rythme-là, on se dit bien que les 17 titres inscrits sur la set liste, après un rapide calcul, ne nous emmèneront guère au-delà de l’heure de concert…
Le duo Do You Wanna Talk (évoquant peut-être un peu trop pour le coup les débuts rock de Two Door Cinema Club, mais bon, pourquoi refuser ce plaisir ?) et Hell On Earth – sans doute le titre le plus irrésistible du nouvel album -, est absolument époustouflant, et permet à Circa Waves de frôler l’excellence absolue. On peut même regretter que ces deux chansons n’aient pas été réservées en conclusion du set, mais on comprend que le rituel du rock’n’roll veut qu’on termine par les chansons des débuts du groupe.
Le seul morceau vraiment lent joué ce soir sera le single Lemonade, et il est très réussi. Il est impossible de ne pas adorer chanter tous ensemble en agitant les bras le final doux-amer de cette pop song délicate : « And we’re all drinking lemonade / We thought we’d be doing something great / By now, by now » (Et nous buvons tous de la limonade / Nous nous imaginions que nous serions arrivés à quelque chose / Aujourd’hui, aujourd’hui…).
Et comme prévu (ou redouté), le groupe quitte la scène après une courte heure de set et un Carry You Home cathartique. Ils ne reviendront que pour nous jouer deux titres, dont le tube attendu, T-shirt Weather, qui peut évoquer les Kaiser Chiefs des débuts.
Comme il s’agit du dernier concert de la tournée, on aurait pu espérer un second rappel avec un cadeau spécial pour nous, mais non, c’est bien fini. Et on ne peut s’empêcher de ressentir un peu de frustration : c’était tellement bon, mais tellement court…
Texte et photos : Eric Debarnot