Nouvelle incursion sous le soleil noir californien avec le garage rock envoûtant des Death Valley Girls et leur quatrième album Islands in the Sky. S’il est empreint de mysticisme et d’une énergie que Bonnie Bloomgarden assume moins sulfureuse qu’auparavant, le charme est toujours au rendez-vous.
Comme un écho à leur dernier passage à la Maroquinerie pour un concert davantage chaleureux que brûlant, la sortie d’Islands in the Sky vient entériner le tournant pris la formation californienne.
Trois ans auparavant en effet, le très bon Under the Spell of Joy, chroniqué ici, tendait déjà vers de nouveaux horizons, et c’est bien dans la continuité de celui-ci que Bonnie Bloomgarden et ses acolytes poursuivent leur route. Bien sûr, on ne cessera d’apprécier les montées de fièvre brutales que nous offrent les premiers albums du groupe, et on ose espérer qu’elles seront toujours de la partie à l’occasion des prochains concerts du groupe, mais Islands in the Sky ouvre une nouvelle voie qui sied plutôt bien aux Californiennes (et au Californien).
Cette fois-ci, le quatuor délaisse les riffs explosifs et les incantations pour proposer un voyage bien plus introspectif et de meilleure augure. Il découle en effet des pérégrinations de la chanteuse en son for intérieur, alors qu’elle se découvrait atteinte d’une curieuse maladie lorsque la pandémie sévissait en 2020. Ce nouvel album se veut une ode à la résilience, et surtout à la tolérance et à l’amour de soi.
Mais que les amoureux de la première heure des Death Valley Girls ne craignent pas de ne s’y perdre : ajoutez à des compositions spectrales et au timbre lascif de Bonnie Bloomgarden de nouvelles sonorités joyeuses et bienvenues, et vous obtenez un album maturé par l’exploration d’une identité en perpétuelle redéfinition. A ce titre, California Mountain Shake ouvre intelligemment la voie, en laissant un chant sépulcral cueillir son auditeur, tout en l’invitant à délaisser les tréfonds et embrasser de nouveaux horizons. Dans cette (re)conquête de soi, Magic Powers porte la noble mission d’éclaireur à l’aune de chemins que l’on sait semés d’embûches (« I tripped, fell, and I shattered »), en rappelant que rien ne sert de regretter les faits ou non-faits du passé. Bonnie prône l’indulgence envers soi, et c’est le regard tourné vers l’avenir (« Won’t look back because it doesn’t matter ») qu’elle élève sa voix. On ne peut qu’adhérer à ce message simple mais magnifiquement bien porté par un clavier absolument ensorcelant.
Le titre éponyme sonne comme un hymne à ce libre-arbitre, avant que Sunday ne vienne nuancer son propos, en ressassant des difficultés à aller de l’avant, mais d’entraînantes mélodies empruntées au gospel viennent balayer ces doutes et insuffler une nouvelle énergie à la guitare de Larry Schemel, de celles qui donnent envie de danser, tout simplement. Et quitte à danser, autant entonner un refrain entêtant, à l’image de celui de What Are The Odds, à la formule garage imparable.
Le reste de l’album slalome entre mélodies éthérées (Say It Too) et psychées (Watch the Sky), tout en continuant à porter un propos salvateur : When I’m Free et ses accents groove veulent nous convaincre de notre invincibilité, quand All That Is Not of Me insiste sur la force de notre individualité, le tout sublimé par la voix de la bassiste accompagnant en douceur celle de Bonnie. Enfin, It’s All Really Kind of Amazing, avec son clavier lounge, sa basse entraînante, et ses riffs élévateurs parachève une invitation, et même une exhortation, à se réveiller et à vivre sans plus attendre.
Les Death Valley Girls ont donc choisi de s’élever vers des îles célestes, tout en honorant les terres arides d’où elles ont émergé, et on salue cette belle ascension. Ce quatrième disque est peut-être celui qui consacre le mieux l’évolution du stoner rock des premières heures du quatuor, vers de nouvelles sonorités plus sibyllines qui confirment le pouvoir, que l’on pense parfois mystique, des Death Valley Girls.
Marion des Forts