Alors qu’il avait annulé sa date prévue à Pleyel pour cause de COVID, Morrissey s’y produit finalement pour deux soirées. Un retour hexagonal dépourvu de la part de controverse des concerts anglais d’automne… mais aussi un peu moins inspiré que ces derniers.
Depuis le concert de la Brixton Academy, le Moz a accusé BMG de jeter à la poubelle Bonfire of Teenagers, s’est retrouvé comme déjà par le passé à compte de label et a enregistré dans l’hexagone un nouvel album (Without music the world dies)… dont on ignore s’il sera publié un jour. Il pourrait tout à fait vendre son album hors label via le web, surtout au vu de la ferveur de sa fanbase. Lorsque Pitchfork lui suggéra il y a quelques années cette piste en interviews en mentionnant le cas de In Rainbows alors sorti par Radiohead, le Moz a répondu que ce n’était pas ce qu’il souhaitait faire. Ou comment un attachement aux old ways donne de l’extérieur une impression de tragi-comédie. Le bon côté est que tout cela donne aux concerts un enjeu autre que la nostalgie des Smiths et des débuts solo : découvrir des morceaux qui n’existeront peut être que live.
Morrissey donne donc deux concerts Salle Pleyel, une salle où il avait annulé son précédent concert français pour cause de COVID. Comme à la Brixton Academy, le concert a commencé par un long film en forme de rappel des héros musicaux et cinéphiles du Moz. Et comme là-bas le groupe était composé d’Alan Whyte, Jesse Tobias, Brendan Buckley et Gustavo Manzur. Pour un concert convaincant mais laissant une petite impression d’inachevé. Quelques-uns des meilleurs moments étaient déjà ceux du concert londonien. Par exemple Half a person introduite avec beaucoup d’humour en commençant par déclarer qu’à un certain âge on n’est plus attirant sexuellement… mais que dans son cas cet âge avait été 16 ans. Ou le rockabilly à la Chris Isaak de The Loop. De même que des morceaux ayant quelques heures de route en live remplirent leur contrat : cet Every Day is like Sunday et ses désirs d’apocalypse nucléaire sur une station balnéaire anglaise, l’énergie d’Irish blood english heart en unique rappel. Et Jack the ripper bénéficiera d’une scénographie faite d’éclairages vifs et de brouillard servant parfaitement l’atmosphère du morceau.
La surprise du concert, c’est un Morrissey loquace, interagissant verbalement plus que d’habitude avec le public avec une part de drôlerie loin de sa caricature misérabiliste. Même si les réclamations de Mexico ou du controversé Bonfire of teenagers par certains fans ne furent pas suivies d’effets. Qualifiant l’hexagone de pays irremplaçable, il remercia le public venu malgré la grève… tout en défendant les grévistes en évoquant l’insistance des gouvernements à vouloir piétiner les intérêts d’un peuple ne demandant pourtant pas grand-chose. Avant Rebel without applause, il cita entre autres Françoise Hardy et Claude Brasseur parmi ses adorations françaises.
Au rayon des morceaux des albums non sortis, trois morceaux de Bonfire of teenagers furent rejoués (I am Veronica, Rebels without applause, Sure Enough the telephone rings). Auxquels s’ajoutèrent deux vrais inédits. J’ai personnellement été plus convaincu par le mélange arpèges-rockabilly de Without music the world dies (où le Moz considère la musique plus vitale au monde que l’éducation… et les chaines d’information en continu) que par les velléités funky de The Night pop dropped. En espérant que le Moz n’ait pas confondu vitesse et précipitation pour ce nouvel album comme cela a été parfois le cas.
Et il y eut ce rappel d’un seul titre qui frustra une partie du public. Dont moi. Alors que le concert de la Brixton Academy n’avait aussi qu’un seul rappel sans que je m’en formalise. Parce que la setlist n’avait pas le même équilibre entre hymnes taillés pour le live et chansons plus rarement interprétées en live qu’à Londres ? Stop me if you think that you’ve heard this one before, pourtant un des meilleurs titres d’un album d’adieu inégal (Strangeways here we come), n’a ainsi pas un impact live comparable aux hymnes smithiens joués à Brixton (l’emblématique How soon is now ?, la furia glam de Shoplifters of the world unite). Il y a peut être aussi ma nostalgie de l’ambiance de messe du concert londonien là où le public de Pleyel était moins collectivement enflammé.
Photos : Robert Gil
Texte : Ordell Robbie