Après le premier single des Smiths, le morceau emblématique de New Order est le sujet d’un livre de la collection seveninches consacrée à des singles marquants. Revenant sur son importance historique aussi bien que sur ses conditions d’élaboration.
Auteur notamment de livres sur Mark Hollis et les Cure, Frédérick Rapilly se penche sur le single Blue Monday de New Order. Blue Monday, ce morceau dont Dominique A disait qu’il était basé sur les mêmes accords qu’A Forest… et que son Courage des oiseaux.
De la House Music à Spielberg
Concernant le classique de New Order, le livre dit très bien ce que l’on sait déjà sur son rôle de passeur entre la New Wave et la Dance culture. Il est très vite joué en club en Europe, précède l’explosion de la House Music et annonce les Stone Roses et Madchester. Et les Pet Shop Boys verront dans le morceau la version aboutie de ce qu’ils essayaient alors de faire. Jusqu’à ces samplings du morceau par Rihanna (Shut up and drive) et Kylie Minogue (Can’t get you out of my head). Ou son apparition récente du côté du blockbuster d’action à héroïne badass (Wonder Woman 1984, Atomic Blonde)… et chez Spielberg (Ready Player One).
Rupture synthétique
Le morceau est décrit comme le moment où les membres de feu Joy Division faisaient une musique inspirée d’œuvres et de courants musicaux perçus comme aux antipodes du groupe de feu Ian Curtis : la Disco, Kraftwerk. Mais que les membres du groupe aimaient, Ian Curtis compris. Les membres de New Order ayant entre temps découvert en tournée la scène des clubs newyorkais. Ce qui donnera en concert des moments du type Dylan à Newport avec les fans de Joy Division. Alors que comme le rappelle Rapilly la tristesse du morceau est bien New Wave tandis que les parties de basse de Peter Hook incarnent une touche rock… inspirée de Morricone. Au travers du rôle des synthétiseurs dans l’élaboration du morceau, Rapilly évoque ce qui a souvent été documenté concernant le cinéma : le rôle d’une nouvelle technologie dans l’innovation artistique.
Liberty Valance à Manchester
Dès qu’il s’agit de décrire l’élaboration du morceau et son succès, le livre se place justement sous le patronage de John Ford : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ! ». Aucune preuve comptable du statut supposé de plus grande vente de Maxi 45 tours de l’histoire du morceau n’existe par exemple. Chaque membre du groupe a sa propre version de l’élaboration du morceau. Emblématique de l’esthétique du label Factory, le design façon floppy disk de la pochette fut accusé par le Boss du label Tony Wilson de faire perdre de l’argent en dépit des grosses ventes… alors que New Order fut un des rares groupes vendeurs du label. Quant au texte de Barney Sumner, il semble selon Peter Hook avoir été écrit à l’inspiration sans se soucier de son sens, loin des multiples interprétations suscitées. La prestation du groupe à Top of the pops qui aurait saboté les ventes du morceau ? Il a gagné trois places dans les charts juste après.
Ecrit dans un style moins concis et plus « littéraire » que celui de Nicolas Sauvage sur Hand in glove dans la même collection, le livre vaut enfin pour le rappel de l’expérience du fan lambda de rock indépendant en province dans les années 1980 : la période d’avant Youtube, celle des magazines rock Best/Rock et Folk/les Inrocks et des programmes radio de Bernard Lenoir comme passeurs. Et aussi un rappel de la façon dont le rock indépendant fut une échappatoire pour ceux qui ne supportaient pas la musique alors dominante dans les charts français.
Ordell Robbie