Pour son premier film, Dalva, Emmanuelle Nicot dresse le portrait d’une enfant devenue femme à son corps défendant. Un film âpre et épuré pour parler de l’inceste, d’une adolescence cabossée et de la vie dans les foyers d’accueil d’urgence.
Le film démarre de façon brutale, dans le chaos, laissant le spectateur donner un sens à cette scène d’ouverture mettant en scène la Police embarquant de force une jeune fille de 12 ans, enlevée par son père quelques années plus tôt, lorsqu’elle avait cinq ans, et vivant dans une relation incestueuse. Un démarrage choc pour un film qui va quelque peu s’adoucir au fil des minutes pour raconter, avec pudeur et une certaine forme de retenue, le récit d’une vie compliquée, le parcours d’un enfant pour qui les notions d’amour et de sexe ont été biaisés dès sa petite enfance. D’ailleurs, la jeune Dalva formidablement incarnée par Zelda Samson, dira à son éducateur, lors de leurs premiers échanges, qu’elle « n’est pas une ado, mais une femme »… évidemment conditionnée par un père incestueux, et à qui il va falloir apprendre à oublier cette relation toxique.
Dalva est le premier film d’Emmanuel Nicot. Également directrice de casting, elle a découvert la jeune Zelda Samson lors d’un casting sauvage. Une véritable révélation que cette adolescente au visage et à l’attitude singulière, incarnant parfaitement cette enfant devenue femme trop tôt. Une adolescente qui va devoir laisser de côté ses attitudes, ses provocations, ses tenues vestimentaires, et surtout apprendre à vivre dans un monde inconnu, et en premier lieu ce foyer où elle va devoir cohabiter avec sa colocataire (Fanta Guirassy), mais aussi entretenir une relation sans ambiguïté avec son éducateur référent, incarné par par Alexis Manenti, révélé en flic ripou dans Les misérables de Ladj Ly.
De cette histoire complexe, Emmanuelle Nicot en fait un film au cordeau, toujours sur le fil, mais ne tombant jamais dans la facilité ni dans le sensationnalisme pour raconter le parcours de cette adolescente, pour évoquer la vie dans les foyers, le rapport avec les éducateurs, mais aussi le monde de la justice.
Il ressort de ce film une forme d’urgence et de réalisme, incarnée par l’utilisation de la caméra à l’épaule, comme chez les Dardenne. Dalva est un film fort, par moment assez dur, qui ne porte pas de jugement sur ses personnages, mais qui se contentent (si l’on peut dire), à travers le portrait d’une jeune fille, d’évoquer comme d’autres films avant celui-ci (le très émouvant les chatouilles, d’Andréa Bescond et Eric Métayer, notamment), la question de l’inceste et de la domination psychologique au sein de la famille.
Benoit RICHARD