Un premier EP intéressant nous avait laissé deviner la capacité de Sébastien Tillous à créer de beaux paysages, sombres, mais réconfortants. Mémoires parallèles nous donne à voir encore plus de belles choses, des montagnes imposantes, des forêts profondes, des océans abyssaux. Envoûtant.
Sébastien Tillous continue sa route, celle entamée avec un premier EP (chroniqué ici), 4 titres seulement, mais qui disait déjà pas mal ce qu’il avait envie de faire avec ses machines, nous faire planer au-délà des trépidations et des hurlements du quotidien. S’envoler, s’éloigner, fuir peut-être pour mieux se retrouver et faire la paix. Une fois le programme enclenché, difficile de faire machine arrière. Alors avec Mémoires parallèles, TILLOUS continue le voyage et nous emmène encore avec lui.
Cette fois, c’est un album entier qui nous est offert pour découvrir les paysages que TILLOUS sculpte avec ses claviers (et avec son talent). On se promène au-dessus de hautes montagnes, probablement enneigées, au milieu de forêts sombres, dans des mers dans lesquelles la lumière n’arrive pas. Oui, il y a quelque chose de sombre et de froid dans cette musique. Non pas qu’elle soit triste ou macabre. Au contraire, elle est souvent très confortable, plaisante, caressante, attirante. D’autant plus que les morceaux de TILLOUS sont habités de tout un tas d’êtres, d’esprits ou d’animaux. C’est une musique du grand large, des espaces étendus, infinis et sauvages, sur lesquels le soleil se couche (ou se lève, d’ailleurs), des demi-teintes qui vont avec des moments méditatifs et lents. Des moments de communion que l’on partage avec tous les êtres qui hantent ces lieux et qui nous appellent…
Tous ces paysages, tous ces moments sont créés avec des motifs qui reviennent en boucles entêtantes, qui se combinent les uns autres et se posent sur des nappes qui s’étalent et se répètent, qui se superposent et s’imbriquent en flux et reflux, un mouvement lent, mais permanent, mais il ne faudrait pas croire que la musique de TILLOUS est lisse et étale. Elle est au contraire hérissée de petits morceaux sonores, de trouvailles électroniques qui en accentuent la profondeur.
Le voyage commence avec la superbe pochette, signée Emma Barthere qui donne parfaitement le ton de cet album ! Et puis Sébastien Tillous entre en scène avec la combinaison de motifs qui forment Retrouvailles, le premier morceau de l’album. Un premier motif, puis un second, qui posent les bases du morceau, et un troisième qui arrive enfin comme une sorte de mélodie très lente, une mélopée mélancolique, une sorte de plainte qui enfle jusqu’à prendre toute la place. Et, au fond, derrière, il y a les grattements d’un vieux vinyle. L’organique dans l’électronique. Et tout cela se répète pendant presque 6 minutes. Et le morceau qui clôture l’album garde la même inspiration (peut-être un côté plus aérien, que les autres morceaux, plus lent encore, presque arrêté). Un bon moyen de terminer cette expérience sonore., mais c’est surtout Structure, le troisième morceau de l’album, qui impressionne : on se croirait en descente dans un océan peuplé de baleines que l’on ne voit pas, que l’on entend de loin et que l’on voudrait rejoindre, le rythme enfle soudain (comme une tempête qui arrive) et puis se calme de nouveau… Hypnotique, on nage à leur recherche, on descend à la rencontre de ces esprits mystérieux. Lumière éteinte, avec son bip de sonar de sous-marin qui résonne sur un bouillonnement aquatique et qui donne vraiment l’impression d’une descente vers d’autres mondes, continue dans la même direction. Évidence, le quatrième morceau de l’album, introduit une ambiance différente, une base très ambient, mais avec une rythmique plus marquée, une atmosphère étrange, quasi martiale par moment et puis très mystérieuse à d’autres. Presque inquiétant, comme Lueur du renouveau, ou Derrière le chaos. Finalement, tout n’est pas si simple dans le monde de TILLOUS, et c’est ce qui rend sa musique intéressante.
Alain Marciano