Mercredi soir, Temples jouaient discrètement à Paris dans un cadre peu approprié aux concerts de Rock, l’hôtel Kimpton St Honoré, afin de pré-lancer leur nouvel album, Exotico. On vous raconte cette expérience inhabituelle…
Ce soir, ce n’est pas un concert comme ceux auxquels on a l’habitude de se rendre : Temples passent pour promouvoir la sortie de leur nouvel album, Exotico, en showcase dans un hôtel de luxe du quartier de l’Opéra, le Kimpton St Honoré. Pour la rock’n’roll attitude, on repassera, même si l’honnêteté nous pousse à reconnaître que la pop psyché du quatuor de Kettering n’a jamais prétendu à aucune forme de rébellion…
Ce que l’on aime, pour le coup, c’est le professionnalisme et l’amabilité du personnel de l’hôtel qui reçoit le public avec des égards auxquels nous ne sommes guère habitués. Ce qu’on aime moins, c’est l’acoustique moyenne du salon de réception, pas vraiment conçu pour des spectacles musicaux. Et ce qu’on n’aime pas du tout, c’est l’attitude d’un public, qui ne manifeste pour – sa plus grande part – guère d’intérêt pour la musique, et va passer la soirée à bavarder bruyamment un verre à la main, sans se préoccuper s’il gêne ou pas.
Et c’est le pauvre Jonathan Jeremiah qui va payer le prix fort de cette impolitesse. Programmé pour 20h30 et un set de 25 minutes, ce n’est qu’à 20h50 qu’il monte sur la toute petite scène, armé de sa seule guitare acoustique. Cet Anglais est là pour défendre son album Horsepower For the Streets, mais le brouhaha général qui reprendra moins d’une minute après qu’il ait débuté son set ne va pas lui laisser la possibilité de le faire. Il faut dire que le son est à la fois mauvais, résonnant dans la salle qui n’est pas encore totalement remplie, et à un niveau complètement insuffisant. A la troisième chanson, Jonathan soupire entre deux couplets : « Mon dieu, c’est DUR ce soir ! ». Et il finit par jeter l’éponge au bout de moins d’un quart d’heure… Jonathan revient par la salle remercier les quelques personnes au premier rang qui l’ont écouté autant que possible, et on se sent triste de ce manque de respect vis-à-vis d’un artiste. Difficile dans des circonstances aussi désastreuses d’émettre un avis, mais on a remarqué le chant très soul – que l’on n’attendait pas, a priori – de Jonathan, même s’il devait clairement pousser sa voix pour se faire entendre. On espère le revoir dans des conditions normales, dès que possible…
21h25 : Un rapide coup d’œil aux mini setlists scotchées sur scène confirme nos craintes : avec 8 titres seulement, on ne dépassera clairement pas les 45 minutes maximales ! Trois des quatre titres d’Exotico, le nouvel album à paraître, qui seront interprétés ce soir sont en fait déjà connus, car déjà sortis en singles… Pour compléter leur setlist, Temples ont sélectionné un titre de chacun de leurs trois albums, et un single de 2020, Paraphernalia.
On est évidemment inquiet, vu la première partie, mais ce sera inutile : le son, évidemment électrique avec les deux guitares énergiques et mélodieuses de Temples, est cette fois d’un niveau élevé, et, du premier rang au moins, plutôt bon. La proximité avec les musiciens du fait d’une scène basse, de l’absence de retours sur scène (pas la place, le pied du micro de James Bagshaw est même posé sur le sol de la salle !) et de l’absence de recul, est un plus indiscutable offert par la configuration.
Très élégamment vêtus, dans leur habituel style un peu rétro / années 60 en ligne avec leur inspiration musicale, les musiciens arborent aussi des coiffures à la mode de l’époque, à l’exception du batteur qui s’est coupé les cheveux très court. James Bagshaw semble encore plus frêle que la dernière fois où nous l’avons vu sur scène, au Cabaret Sauvage en mars 2020 (l’un des derniers concerts avant que le Covid n’arrête tout !). Gamma Rays est une introduction toute en douceur au nouvel univers de Temples, plus atmosphérique, plus planant, mais par rapport à la version studio, et peut-être parce que nous sommes placés en face de Bagshaw, les claviers semblent moins prépondérants, et on apprécie son final énergique.
Evidemment, c’est la mélodie accrocheuse du délicieux Certainty qui marque réellement le démarrage du set, et nous rappelle que Temples est quand même un fantastique groupe de pop music : Certainty est le genre de chanson parfaite après laquelle Tame Impala court en vain depuis ses débuts, et on se demande bien pourquoi Temples n’a pas le même succès planétaire que Kevin Parker. Cicada, le meilleur des quatre titres extraits du prochain album, déboule ensuite sur une rythmique puissante et s’élève en magnifiques arabesques orientalisantes. Ce sera sans doute – et un peu trop tôt – le sommet du set. Le refrain est, dès la première écoute, imparable : « I hear them every night / They echo into sight / They sound the symphony / A song so deafening / They circle far and wide / And in your mind define / Beneath the hollow sun / Cicada has begun » (Je les entends toutes les nuits / Leur chant résonne autour / On dirait une symphonie / Une chanson si assourdissante / Elles tournent au loin / Et dans ton esprit définissent / Sous le soleil creux / Les cigales ont commencé à chanter). L’un des meilleurs titres de Temples à date…
Hot Motion nous ramène sur un terrain plus connu, énergique mais finalement plus convenu aussi. Oval Stones est la première vraie découverte de ce soir, mais ne nous frappera pas particulièrement à première écoute. Paraphernalia, très orientalisant lui aussi, est un single qui était passé largement inaperçu au milieu de la pandémie, en 2020, et sonne finalement comme une chanson de transition entre l’album précédent et l’univers d’Exotico. Afterlife est une chanson à la fois mélodique, mélancolique et lyrique, du genre qui aurait pu affoler les charts il y a trois décennies de ça. Shelter Song, la chanson la plus connue du groupe, clôt le set, sous les applaudissements des quelques fans présents dans la salle. Il n’y aura pas de rappel.
40 minutes, et c’est bouclé ! La frustration est forte, ce set n’a été qu’un avant-goût du véritable concert de lancement de l’album, pas encore annoncé à cette date. Le public est resté très calme, peu engagé dans un set pourtant convaincant, et le groupe lui-même n’a pas essayé « d’allumer le feu », sans doute lucide vis-à-vis du public de la soirée. Il demeure que, en huit chansons, Temples ont confirmé qu’on n’avait aucun souci à se faire pour leur avenir musical, et qu’on pouvait attendre Exotico avec confiance.
Texte et photos : Eric Debarnot