Inégale, la première saison de Carnival Row passait comme introduction à un univers riche et complexe. Malheureusement, en décidant que la seconde saison serait la dernière, les producteurs ont fait que cette richesse et cette complexité se retournent contre la série.
On se souvient qu’en 2021, les studios Amazon avaient investi pas mal d’argent sur Carnival Row, fantasy steampunk portée par d’imposants effets spéciaux… Le manque de succès, voire même d’intérêt pour ce travail pourtant ambitieux, en particulier par ses messages « politiques » de tolérance, et d’amour entre les races, a eu tôt fait de calmer les velléités d’Amazon, et il aura fallu attendre deux ans pour pouvoir regarder une seconde saison des aventures de nos « faes » (entendez nos « fées ») Philo (Orlando Bloom, plus mûr et a priori lesté d’une crédibilité nouvelle, mais ne reculant pas cette fois devant un cabotinage fatigant) et Vignette (Cara Delevingne, toujours pas une « vraie » actrice, il faut bien l’admettre) confrontées à la haine de la population humaine du Burgue, une sorte de version dystopique du Londres victorien.
Pire, alors que les cinq premiers épisodes de cette nouvelle saison prennent tout leur temps pour déployer une histoire décidément complexe, avec une multitude de personnages que l’on aimerait avoir le temps de connaître et de comprendre mieux, il se produit à l’épisode 6 une véritable rupture dans le scénario (que l’on imagine bien provoquée par l’annonce que la série ne sera pas poursuivie, pas reconduite pour d’autres saisons…) : en accumulant les raccourcis et les fausses solutions simplificatrices, en particulier en ce qui concerne le séjour d’Imogen et Agreus dans la cité dominée par la Nouvelle Aube, Erik Oleson, le nouveau showrunner et ses scénaristes passent alors la surmultipliée… pour pouvoir boucler, autant que faire ce peu, tous les fils narratifs au cours de cette saison, qui serait donc la dernière ! C’est tellement ridicule que cela gâche le plaisir que l’on prenait jusque-là, et cela ne nous conditionne vraiment pas à accepter une fin, pas si mauvaise que ça en fait, mais quand même frustrante par rapport au potentiel de la série.
On assiste donc à 5 épisodes qui ouvrent encore plus grand l’univers de Carnival Row, introduisant de nouveaux personnages porteurs de thèmes additionnels : Leonora, la cheffe très ambigüe des révolutionnaires, interprétée de manière convaincante par la revenante Joanne Whalley, et Mikulas Vir, émissaire du Pacte et diplomate manipulateur (Andrew Buchan, impressionnant) vont définir à eux deux une grande partie des nouveaux défis qu’affrontent les protagonistes de la première saison. Suivent 5 autres épisodes, qui referment le plus rapidement possible tous les sujets ouverts, nous privant cruellement de la profondeur qu’on attendait de Carnival Row.
Le vieux débat sur le bien (et le mal) que peut apporter à une société une révolution si on la compare à des réformes progressives, est illustré ici par l’affrontement entre le Pacte (ressemblant fortement à l’armée tsariste) et l’Aube Nouvelle, qui met en place les principes bolcheviks de suppression de la propriété privée, tout en instaurant une égalité sociale qui fait bien défaut dans la société. Se référer à la révolution soviétique de cette manière est judicieux, mais le manque de moyens (Amazon ayant certainement coupé les vivres) fait qu’on a du mal à croire à une guerre totale entre gouvernements et révolutionnaires : on n’a guère à l’écran que quelques escarmouches assez insignifiantes !
L’un des problèmes de cette complexification permanente des enjeux, de ce foisonnement d’intrigues secondaires mal maîtrisées, est que les personnages « principaux » que sont en théorie Vignette et Philo n’ont pas grand-chose de nouveau à apporter à l’intrigue de cette seconde saison : Vignette est perpétuellement en colère et fait n’importe quoi, Philo, en pleine incertitude existentielle, a du mal à choisir entre sa fidélité à la police et son nouveau statut de « critch » et fait n’importe quoi. Il est donc difficile au téléspectateur de se sentir empathique par rapport à des protagonistes qui semblent aussi vidés de toute substance. Ou comment devenir une série superficielle tout simplement parce qu’on a voulu trop en dire, trop en raconter !
Ce qui restera de cette semi-débâcle, ce sera sans aucun doute le redoutable – et très réussi – cinquième épisode (Reckoning) qui conjugue dans une ambiance gore délicieuse l’extermination de personnages importants et le dévoilement d’un monstre en CGI particulièrement répugnant. Ce que prouve cet épisode, c’est qu’il y avait au milieu de ce marasme, de quoi faire une série formidable, plus simple, plus directe, qui ne s’éparpille pas entre ses personnages et son discours politique.
Eric Debarnot
Déjà révisé vos sources la saison 1 a été diffusé sur prime en 2020.
Après c’est vrai que c’est dommage que la série s’arrête à la saison 2, mais au vu des séries actuel Carnival Row reste
Bien mieux que the last of US par exemple série devant laquelle je me suis fait chier,je dis pas que c’est la meilleure série du monde mais elle est quand très correcte, Eric orelson le show runners l’était sur la saison 3de Daredevil, j’avais jamais autant apprécié Orlando Bloom ds un rôle.
Merci pour ce commentaire ! Après il en faut pour tous les goûts, c’est aussi ça l’intérêt de parler des séries qui nous motivent ou pas…