Au programme de ce John Wick Chapitre 4 : bagarres et fusillades, sabres, arcs, nunchaku, cartes, et même un méchant aveugle et redoutable. Le tout dans des décors transformés en terrain de jeu. Un film mêlant clip, cartoon et jeu vidéo. Jubilatoire !
La saga John Wick a toujours été décomplexée, et c’est ce qui a fait son charme dès son premier volet : pas question de faire dans la dentelle, ou de se mettre laborieusement en quête de légitimité. Comme son héros dont il vaut mieux ne pas croiser la route, les films sont à prendre (en pleine face) ou à laisser. Le budget croissant des chapitres et l’adhésion du public a donc permis de lâcher la bride, sans qu’on se soucie réellement de renouveler un concept qui consiste essentiellement à truffer de plomb des hordes d’assaillants, le tout dans les arcanes d’une société secrète dont les lois d’airain changeront autant de fois que le scénario l’exigera.
Arrivé à son stade conclusif, ce volet oscille donc sans surprise entre deux tendances : l’autoréférence et le renouvellement. Le public retrouvera donc son héros dont le nombre de répliques semble avoir encore rétréci en dépit de l’allongement démesuré (2h50) du métrage, ses « yeah » gutturaux, des aphorismes en cascade, des âmes fêlées par l’amour pour leurs proches, des tueurs aux looks improbables et des contrats internationaux transformant n’importe quel déplacement en shoot’em up.
La logique centrale de la licence – bagarre et fusillade – mobilise évidemment le centre de l’attention, puisqu’il s’agit de faire dans la variation. Même si les principes restent identiques (voire répétitif, comme le recours au chien déjà essoré dans le volet précédent) seront ainsi convoqués sabres, arcs, nunchaku, cartes à jouer dans des séquences s’étirant déraisonnablement, avec pour point d’orgue l’invention d’un ultime méchant aveugle – et d’autant plus redoutable.
Mais ce n’est pas dans cet arsenal qu’il faut chercher l’ambition d’un film qui tend à exagérer l’invulnérabilité de son héros, qui semble dénué de colonne vertébrale, voire d’un squelette tout entier au vu des chutes opérées et des capots de voiture embrassés.
Dès la séquence d’ouverture, qui reprend le célèbre raccord de Lawrence d’Arabie pour nous mener vers une escapade totalement gratuite en Jordanie, le ton est donné : c’est le lieu qui prime. La variation sera celle des décors transformés en terrain de jeu, d’un hôtel japonais dont les néons feraient pâlir d’envie NWR à une boîte berlinoise où l’on continue à danser tandis que les adversaires se fracassent sous des cascades intérieures, en passant par une course contre le soleil dans Paris.
Le film s’engouffre sans entrave dans l’esthétisation la plus outrée, mêlant le clip, le cartoon (certains personnages semblent sortis de Dick Tracy) et le jeu vidéo. Si certaines prises de vues numériques écorcheront la rétine, le délire croissant reste jubilatoire, accompagné par une série de dispositifs qui visent à texturer l’atmosphère, à l’image de ce DJ de radio accompagnant à distance le périple de la proie dans les rues parisiennes. Les prises de vue et la disposition spatiale, comme un palais décati filmé en contre-plongée, la place de l’Etoile prise à contre-sens ou l’ascension des marches vers le Sacré Cœur prennent clairement le pas sur les silhouettes individuelles. Réduits à des archétypes, les personnages sont les agents d’un mouvement pur, alliant agilité de l’évolution et fracas des affrontements. Peu importe, donc, qu’ils ne sachent pas parler français, changent de motivation comme de chargeur ou édictent des règles à bafouer : on aura toujours plaisir à les voir danser avec la mort sur les feux rutilants des villes insomniaques.
Sergent Pepper