Vous devriez savoir qu’on ne manque pas dEUS quand ils passent en concert près de chez vous ! La preuve en a été donnée une fois encore hier soir à l’Elysée Montmartre… Déjà le « concert de l’année » pour certains…
Même si la Belgique est l’un des, voire LE pays le plus Rock du continent européen (et on n’a de cesse de le répéter, ici et ailleurs…), dEUS restent LES PATRONS quand il s’agit de matérialiser l’énergie, la tension électrique sur scène. Ce qui fait que, même quand on n’est pas un fan absolu du groupe, dont on peut juger la discographie irrégulière autour d’un chef d’œuvre indiscutable, The Ideal Crash, on ne louperait pour rien au monde dEUS lorsqu’ils sont en ville. Et ça fait trente ans que ça dure, même s’il y a désormais de plus en plus longues pauses entre deux passages du groupe.
19h40 : Ils viennent d’Anvers eux aussi, comme dEUS, ils ont trente ans de moins et ils sont très très énervés, mais néanmoins souriants et sympathiques : ils s’appellent Meltheads, c’est d’ailleurs écrit sur un panneau lumineux sur scène. Ils aiment la couleur rose, c’est d’ailleurs la couleur dominante de leur light show, et l’un de leurs meilleurs titres, joué en intro ce soir, s’appelle I Wanna Be A Girl. Ils démarrent leur set de 30 minutes comme des fous furieux, et ça, ça fait vraiment plaisir à voir. Le batteur a clairement l’intention de détruite son kit de batterie avant la fin du set, le guitariste tire des sons déchirants de son instrument malmené, et le chanteur, petit blondinet qui ne tient pas en place, est une pile électrique vrombissante et hurlante : ça s’appelle un typhon, mais c’est aussi un étonnant mélange de férocité et de joie de vivre. Et juste quand on pourrait se déclarer fatigués de ce pilonnage ininterrompu, ils nous offrent une remarquable chanson plus lente, en néerlandais, Naïef, qui montre que le groupe en a sous la pédale. On vous le disait, la Belgique est un putain de pays Rock !
C’est à 20h40 que Tom Barman et sa bande pénètrent sur scène, sous une immense ovation : les fans français de dEUS sont là (même si l’on doit bien compter un bon contingent de Belges dans la salle), et ils sont nombreux ! On attaque par la remarquable – et impressionnante – intro du nouvel album, How To Replace It, avec ses tambours martiaux et Barman, désormais moustachu, qui récite son texte avec son habituel magnétisme : c’est parti et on sait déjà qu’on ne sera pas déçus. « I came back from a firestorm / News from the deadzone » : c’est Must Have Been New, et aussi la confirmation, si besoin était, que la soirée sera largement consacrée au dernier album de dEUS, dont Barman déclare sans fausse modestie qu’il est fantastique.
Il faudra attendre le sixième titre de la setlist pour revenir aux origines du groupe, un W.C.S. (First Draft) reptilien, qui finit par exploser (« It’s the first draft of the worst case scenario ! ») et qu’on a plaisir à réentendre. Mais peu importe, même si certains fans de la première heure se déclareront finalement déçus par une setlist consacrée quasiment uniquement aux albums récents du groupe : même sur les morceaux les moins passionnants, il y a quelque chose de presque magique dans la manière dont l’énergie naît dans la chanson, et se déploie, sous la forme soit d’un déluge électrique, soit de pointes d’émotion. Il se passe toujours quelque chose pendant chacune des chansons jouées par dEUS sur scène. Et puis, et ce n’est pas un détail, il y a toujours un son et des lumières remarquables, garantissant une immersion totale…
Bien sûr, et tous ceux qui ont assisté une fois dans leur vie à un concert de dEUS le savent, le moment-clé est toujours Instant Street, et son très long final conjuguant chœurs du public qui s’en donne à cœur joie et hystérie électrique. Le fait que le groupe ne garde pas son morceau « anthémique » pour la fin mais le place en général au milieu du set permet de relancer l’énergie dans la salle au moment où typiquement, les concerts en passent par leur ventre mou, et de faire défiler la seconde partie des morceaux avec une ferveur qui ne s’épuisera pas avant la fin. Et ce soir, ce sera particulièrement vrai : avec les deux guitares et le violon en mode furie, c’est un IMMENSE moment de musique que dEUS nous offrent. Le genre d’extase qui fait que nombre d’entre nous diront en sortant : « c’était le meilleur concert à date de 2023 ! »… Ce qui n’est pas forcément vrai, mais témoigne de l’enthousiasme total que déclenche Instant Street… magnifiquement enchaîné, qui plus est, ce soir, avec un Fell Off the Floor, Man percutant.
Quatre Mains rappelle que dEUS est excellent en français aussi (« Il y a une distance à rêver entre la peau / Et l’éternité »), avant que Sun Ra ne vienne boucler le set principal dans un chaos de guitares déchaînées. Rappel de haut niveau avec le très beau Roses (« She treats me, she treats me like her local god »), son romantisme, ses coups de colère et sa plongée vers l’abîme, puis le romantisme épuisé de Love Breaks Down, et enfin le maelstrom post-punk de Bad Timing.
Un peu moins d’une heure quarante d’une performance live impeccable, exceptionnelle par instants, d’un groupe qui avait eu la morgue de s’appeler « Dieu », mais qui, quelque part, tient ses promesses : dEUS sont désormais aussi légendaires que Tintin !
Texte et photos : Eric Debarnot