Une histoire (vraie) passionnante et un trio d’acteurs prestigieux ne suffisent pas à faire de Boston Strangler, copycat peu inspiré de Zodiac, le bon film qu’il aurait dû être.
« L’étrangleur de Boston » est l’un des serial killers les plus connus de la triste histoire états-unienne en la matière. Mais cette renommée tient sans doute plus au fait que son parcours criminel fut rapidement exploité en livre comme au cinéma (dans un film de Richard Fleischer avec Tony Curtis dans un étonnant contre-emploi) que pour les 13 malheureuses femmes qu’il viola et étrangla au début des années 60, à Boston. L’identité du tueur est donc bien connue, et il suffit de consulter Wikipedia pour avoir accès à tous les détails de ce fait divers atroce.
Pourtant, ce que nous dit Boston Strangler (sans le « The » du film de Fleischer), le film de Matt Ruskin, c’est que la vérité ne serait pas aussi simple que ça, et que l’affaire pourrait bien être moins « résolue » qu’il n’y paraît : complotiste ou lucide, cette théorie a au moins le mérite de nous amener à nous replonger dans une affaire où la police de Boston a brillé par son incompétence et son manque de sérieux. Mais le véritable sujet de Boston Strangler, c’est le travail obsessif réalisé par une journaliste, qui, aidée par une consœur plus expérimentée, aura botté le postérieur des enquêteurs et contribué activement elle-même à la recherche du criminel… Le tout dans une société qui n’avait clairement aucun respect pour le talent féminin en la matière, mais qui savait déjà retourner en sa faveur les succès de ces héroïnes de l’égalité des sexes.
Bref, tout le monde l’aura compris, Boston Strangler, c’est Zodiac à l’ère #MeToo ! Quasiment le même déroulement, et mieux encore, la même atmosphère atone et précise que dans le chef d’œuvre de Fincher. Un « copycat », pour utiliser un vocabulaire en rapport avec son sujet, mais avec ce bémol non négligeable qui est que Ruskin, producteur établi mais réalisateur novice, n’a pas le génie d’un Fincher : de l’atonalité et la précision à la mollesse, il n’y a qu’un pas, que Ruskin franchit à peu près au bout d’une heure de film. Ce qui fait que le téléspectateur décroche petit à petit, face à une platitude exacerbée par le manque de clarté du récit : il aurait sans doute fallu, en plus du talent d’un grand réalisateur, quinze minutes supplémentaires pour traiter un sujet aussi complexe avec le respect qu’il méritait…
L’une des nombreuses faiblesses du film est probablement sa direction d’acteurs : on a connu Keira Knightley beaucoup plus convaincante, même si les années qui passent lui vont bien et la lestent d’un poids de « réalité » bienvenu, tandis que Carrie Coon est totalement transparente. Voir un acteur rare et brillant comme Chris Cooper autant sous-employé fendra le cœur de ses admirateurs. Quant au reste du casting, il n’existe pour ainsi dire pas à l’écran, et ne laissera aucune trace dans notre mémoire.
On ne passera certes pas un mauvais moment devant ce film soigné et sérieux, mais on ragera aussi devant une belle occasion ratée de traiter une affaire aussi passionnante.
Eric Debarnot