Après leur impressionnant EP live, Baston Session, Dead Chic confirment leur classe folle avec ce disque studio, qui les place en pole position dans le peloton des tous nouveaux groupes français dont on espère beaucoup.
Nous n’avons pas oublié qu’en mai dernier, le EP live de Dead Chic, Bastion Session, nous avait littéralement scotchés. Nous avions juré attendre avec impatience un concert ou un album qui nous permette de vérifier si nous avions rêvé, ou si notre coup de cœur brutal n’avait été causé que par un heureux accident du sort. Pour un concert parisien, nous n’avons rien vu venir encore ; quant à un album, il nous faudra encore attendre puisque nous n’avons droit pour le moment qu’à un autre EP, studio celui-ci.
The Venus Ballroom est composé de 6 titres, ou plutôt 5 titres, dont 3 nouveaux, plus une parenthèse, l’atmosphérique El Malecon qui pourrait servir d’interlude au cours du Kill Bill Vol 2 de Tarantino. Ils ont été enregistrés loin de la base du groupe, Besançon, à Angers cette fois, au Black Box Studio de Iain Burgess et Peter Deimel. Etant le succès artistique du premier EP, on comprend que l’objectif n’a pas été de raffiner une musique dont la sincérité brute explosait dans les conditions d’un concert, mais au contraire, de conjuguer la qualité de l’enregistrement studio avec la spontanéité d’une interprétation live.
Rappelons pour les malheureux qui auraient manqué l’incroyable Bastion Session que Dead Chic, c’est la rencontre d’Andy Balcon, chanteur anglais et possédé comme peu le sont, avec Damien Félix, guitariste bisontin qui sait jouer le blues punk comme personne, appuyés par deux musiciens qui n’ont pas les deux pieds dans le même sabot, Rémi Ferbus et Mathis Akengin. Et qu’on avait parlé à l’écoute de leur premier Ep de gens comme 16 Horsepower ou Shoulders, des références peut-être pointues pour les plus jeunes, mais qui ont un poids certain pour les plus expérimentés. Sur The Venus Ballroom, le son du groupe s’étoffe avec l’apport de cuivres (dont le tuba du fabuleux Thomas Sabarly de Gliz !), mais bénéficie aussi d’une mise en avant des claviers qui diversifie la palette sonore : le magnifique et manaçant Belly of the Jungle vous a un petit air « Stranglers » pas dégueu en ces temps où nous regretterons encore la disparition de Dave Greenfield.
On remarquera aussi qu’Andy Balcon se risque à chanter en français sur Fleurs Séchées, et c’est ma foi absolument parfait, le petit accent inévitable ajoutant au charme de cette chanson mélancolique. On utilise le terme « mélancolique » à dessein, et si on lui joint le terme « entraînant » qui peut venir à l’esprit en écoutant You Got It, le puissant titre d’ouverture, fortement connoté Shoulders (ce qui est un grand compliment de notre part), on réalise que The Venus Ballroom n’a pas la noirceur extrême de Baston Sessions. Certains le regretteront peut-être, tant la claque avait été sévère, mais il faut reconnaître qu’un EP plus « léger » (on se comprend, on reste quand même dans une forme de douleur sourde qui saisit à la gorge) n’est pas une mauvaise idée pour gagner le cœur du public français, d’autant que cette embellie météo est le fait des trois nouveaux morceaux.
Les versions studio de Ballad of Another Man et de Good God ne trahissent pas l’esprit de leur interprétation studio, preuve que le passage par une production plus confortable n’a pas affaibli le groupe. Ce qui veut dire que notre passion pour ces nouveaux venus de la scène Rock française est encore confortée par ce premier EP, aussi parfaitement mélodique qu’émotionnellement fort : on espère qu’il marquera au fer rouge chacun de ceux qui le découvrira, comme nous avait marqué Bastion Session.
Nous n’oublierons jamais l’expression qu’avait eu un journaliste lors de la parution de Fire of Love, le premier album du Gun Club : « Mettez ce disque au milieu d’une fête, et il arrêtera toutes les conversations ». On a très envie de dire que Dead Chic distille le même genre de magie noire.
Eric Debarnot