Présenté à Cannes en 2022, à l’ACID, Grand Paris, le premier film de Martin Jauvat révèle un cinéma tendre et attachant, mettant en scène deux ados de banlieue persuadés de vivre la grande aventure façon Indiana Jones.
Quelque part en banlieue, Leslie et son pote Renard (« Renard des surfaces » sur Snapchat) doivent aller récupérer un colis à la gare de Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Malheureusement, les choses ne vont pas se passer comme prévu. D’abord, ils ne trouvent personne au rendez-vous, à savoir un type avec des chaussures bleues. Les voilà donc partis, pour tuer le temps, dans une promenade à travers la campagne et les forêts des environs.
Mais les choses vont prendre une tournure nouvelle au moment où ils découvrent sur un chantier de la future ligne de métro du Grand Paris une pierre cylindrique aux allures de palet de hockey sur glace sur laquelle se trouvent mystérieuses inscriptions. Ils pensent qu’il s’agit d’un artefact datant de l’Égypte ancienne. Mais voilà qu’au moment de repartir sur Paris, ils se retrouvent coincés dans une station de RER où ils vont faire connaissance avec un grand type dégingandé, plutôt cool, qui leur propose de le suivre à un apéro chez une copine. Et tout ça, ce n’est que le début d’une folle aventure qui avance à 2 km/h – car on est quand même loin d’Indiana Jones – mais dans laquelle les péripéties ne manquent pas.
Le premier long-métrage de Martin Jauvat est un peu un ovni, un « film de banlieue » qui évoque, par son côté décalé, le cinéma d’auteurs comme Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet), Sophie Letourneur (Enorme) ou encore Thomas Salvador (Vincent n’a pas d’écailles). Des réalisateurs avec qui le jeune réalisateur de 27 ans au visage d’éternel adolescent partage cette envie de faire un cinéma à la fois tendre et drôle, rempli de personnage lunaires, énigmatiques, attachants.
Mission réussie avec ce film aux airs de buddy-movie, plein de références (la plupart citées dans le film et en premier lieu sur l’affiche) réalisé, on l’imagine, avec des moyens limités, mais dans le côté « fauché » devient finalement presque une qualité, un atout.
Plus que l’histoire et le scénario, qui se révèlent finalement assez minimalistes, ce sont les personnages que l’on retiendra avant tout, avec ces deux losers (Mahamadou Sangaré et Martin Jauvat), ces deux garçons assez dissemblables mais qui se complètent parfaitement, deux naïfs qui se persuadent de vivre la grande aventure, histoire d’oublier pour un temps le désœuvrement et l’ennui de la banlieue.
Pour cela, ils vont sillonner des paysages sans âme, mais surtout, ils vont faire des rencontres insolites, comme ce Amin (William Lebghil) qui vend à l’arrière de son break des sandwiches portant le nom de footballeurs… mais aussi quelques substances illicites en cas de besoin. Un type qui est pote avec Momo, un type encore plus barré que lui (Sébastien Chassagne), faux anthropologue, gentil complotiste et contrôleur à la RATP de métier.
Bref, voilà une comédie singulière, légère, sans trop d’ambition ni de prétention, pas totalement aboutie, qui rappelle par moment le ton de petites séries OCS comme Platonique ou Irresponsable. Un film qui, par sa durée relativement courte se regardera avec autant de plaisir que de détachement. On espère en tout cas retrouver très vite Martin Jauvat dans une réalisation plus ambitieuse avec des moyens plus conséquents.
Benoit RICHARD