Ce roman raconte un voyage vers le sud, vers Venise, à la recherche d’un mystérieux tableau, entre rêve et réalité, dans un monde singulier où les chats sourient, où la Vierge Marie cache ses tatouages, où les algorithmes se cultivent dans les champs et où les marins ne naviguent que pour le plaisir des voyageuses.
Malgré ce que pourrait laisser supposer le titre, il s’agit bien d’un roman avec une seule histoire, même si on peut considérer tout aussi bien qu’il s’agit d’une grosse nouvelle de 117 pages ! Et pour une nouvelle, elle n’est assurément pas mince, tant on y trouve de petites richesses disséminées à l’intérieur comme de petits cailloux semés à travers une forêt enchantée. Non pas pour retrouver son chemin mais plutôt pour s’y perdre, les cailloux étant plutôt des bijoux délicatement déposés à l’attention du promeneur, si du moins il prend le temps de baisser les genoux au creux du sentier…
On entre dans ce récit comme on entre dans un rêve… avec la sonnerie d’un réveil ! Un réveil de marque Bayard, qui s’avère être une créature protéiforme, tour à tour chevalier (logique !) ou félin, car c’est un chat doué de parole qui accompagnera au fil des pages la narratrice dans une aventure poétique et haute en couleurs. Cette douce et joyeuse errance sans boussole, un rien foutraque, nous emmène vers les contrées du sud, au gré des hasards et des rencontres, toutes aussi inattendues les unes que les autres.
Si court soit-il, on ne saurait résumer en deux mots ce récit à l’écriture simple et spontanée, sur un ton poétique qui pourrait rappeler Boris Vian, mais on tombe assez vite sous le charme. Le lecteur, immergé dans cette folle pérégrination, va découvrir un monde onirique où tout semble possible. Dans cette réalité parallèle, on explore de vastes châteaux cachés dans des forêts de sapins austères, on rêve sous des ciels étoilés en compagnie d’anges et de lions ailés, on traverse des champs d’algorithmes, on déguste des kanelbullar, des brioches nordiques inspirant des « visions d’aurore boréales et de glaciers bleu nuit », et on termine en sirotant des Spritz et des Limoncello dans un café révolutionnaire de la cité des Doges, avant de contempler des tableaux Renaissance dans des palais anciens.
Dans ce récit hédoniste et léger comme une « aile d’ange », parcouru de mille réflexions philosophiques empreint d’un humour bien à elle, Martine Tatu célèbre son amour de la vie, de la nature et de la gastronomie, des livres et de la littérature, et bien sûr des chats, ces animaux sorciers, « ceux qui traînaient dans les poèmes de Baudelaire, dans la chambre de Colette et chez Léautaud ».
Cette phrase extraite du livre en fournit un bon aperçu : « Voyageur, n’oublie pas que, où que tu ailles, tu auras besoin de lecture. Un livre est le meilleur compagnon de la vie. Il t’aidera à attendre, à comprendre, à éprouver le meilleur du monde et de ce que tu as en toi. »
Ces Dernières nouvelles du lendemain sont plutôt bonnes et donnent envie de poursuivre le chemin incertain et parfois chaotique de nos vies fragiles. Martine Tatu fait preuve d’un talent indéniable avec sa prose généreuse et rafraîchissante qui agit comme un baume sur l’âme.
Laurent Proudhon