Cinq ans que l’on attendait le nouveau Black Box Revelation, et pas de déception aujourd’hui, au contraire : pop, accrocheur, malin, sexy, agressif, le duo belge à son meilleur. Un nouveau classique (presque) parfait.
Quand un groupe existe depuis des années (plus de quinze ans dans le cas des Bruxellois de Black Box Revelation), qu’il a maintenu tout au long de sa discographie (cinq albums entre 2007 et 2018) une qualité constante, sans même parler de prestations scéniques parfaites, que reste-t-il à dire, à écrire lorsqu’il sort un nouveau disque, tout aussi bon ? Cinq ans se sont écoulés entre l’excellent Tattooed Smiles et leur sixième album, Poetic Rivals, et dès le premier titre, le parfaitement jouissif Wrecking Bed Posts, on retrouve avec joie cet univers Blues Rock élégant et rude à la fois : la classe, tout simplement.
Très sexy – c’est le sujet de la chanson, une histoire d’amour et de sexe où chacun essaie de dominer l’autre, qui l’impose – avec son gimmick séducteur juste avant que la guitare, énorme, de Jan Paternoster ne s’impose, Wrecking Bed Posts annonce un album encore plus mélodique, plus immédiatement évident encore que ses prédécesseurs. Pour reprendre une comparaison qui doit être irritante à la longue, Black Box Revelation a réussi le virage « pop » que les Black Keys ont si mal négocié au cours de la dernière décennie : il est si facile de tomber dans la vulgarité à trop vouloir rajouter du miel dans la raide bibine du Blues Rock, mais les Belges maintiennent une fois encore le juste équilibre entre mélodies accrocheuses et puissance sonique.
Heads or Tails poursuit sur le thème de l’amour dangereux et incertain : « I close my eyes / As you flip the coin / Heads, I win your heart for one more night / Tails means goodbye / Before it hits the floor / I’m not quite sure what I wished for » (Je ferme les yeux / Alors que tu lances la pièce / Face, je gagne ton cœur pour une nuit de plus / Pile signifie au revoir / Avant qu’elle ne touche le sol / Je ne suis pas sûr de ce que je préfère…). La chanson reprend le même principe que le premier titre mais décolle dans sa dernière partie, laissant présager de grands délires en live. Alcohol démarre sur un riff décalqué de l’immortel You Really Got Me des Kinks, et continue son hommage (Alcohol est un titre déjà utilisé par Ray Davies, pour un morceau mémorable) avec un refrain éthylique et décadent comme il se doit : on n’y avait pas forcément pensé, mais la référence aux Kinks fait sens, là où en sont aujourd’hui Black Box Revelation !
Mr. Big Mouth – référence ironique à Liam Gallagher ? règlement de compte impitoyable avec un ami nuisible (« Try your plastic lies on someone else / I am more than ok to be myself / Somewhere underneath there might be someone to believe / Right now all I see is your big mouth » – Essaie tes mensonges en plastique sur quelqu’un d’autre / Je suis plus que d’accord pour être moi-même / Quelque part là dessous, il pourrait y avoir quelqu’un à croire / En ce moment, tout ce que je vois, c’est ta grande gueule) – souligne le fait que le chant acide et provocant de Paternoster fait régulièrement écho au style vocal de Gallagher.
Avec trois tempos moyens enchaînés (Losing A Friend, Silver Lining et Poetic Rivals), l’album expose un ventre mou un tantinet décevant après une première partie aussi réussie. Et encore, Silver Lining titre son épingle du jeu grâce à sa guitare heavy et ses montées en puissance… Pas d’inquiétude, les trois derniers titres de l’album sont impeccables : Coastline accélère à nouveau le rythme et culmine dans un superbe déluge d’électricité. Move Your Feet, irrésistible, est le tube de l’album. Sexy, presque glam, facile à chanter en chœur, pas si loin par moment de ce que Kasabian savait faire à ses débuts, du rock populaire qui n’abandonne pourtant pas ses principes, c’est une bombe qui amène l’habituelle et inévitable interrogation : « Mais pourquoi des gens aussi doués ne connaissent-ils pas plus de succès ? ».
Poetic Rivals se termine – déjà ? – par l’une de ses plus belles chansons, Margarita, qui plus est une chanson d’amour traversée par des solos déchirants : est-ce une histoire d’addiction déguisée en récite de passion ? C’est en tout cas superbement douloureux : « When I’m with you I feel like anything I want / When I’m with you I wake up sick as a dog / When I’m with you I am another kind of fool » (Quand je suis avec toi, je ressens tout ce que je veux / Quand je suis avec toi, je me réveille malade comme un chien / Quand je suis avec toi, je suis un autre genre d’imbécile).
Une fin magnifique pour un album que l’on a envie de qualifier de nouveau classique. Quoi que ce soit que ça signifie…
Eric Debarnot