L’ouvrage de Laure Bresson est précieux, sa lecture peut être éprouvante, mais vous en sortirez grandi, soit parce que votre compréhension du handicap en est enrichie, soit parce que certaines de vos difficultés s’en trouvent éclairées et, pour partie, désamorcées.
Dans ce qui ressemble aux Confessions de l’ami Jean-Jacques Rousseau, Laura Bresson se raconte, en vérité, avec humour et une étonnante précision. Se mettant en scène, elle décrit sa petite enfance heureuse, puis ses difficultés croissantes pour entrer en relation et, une fois ce pas franchi, maintenir l’embryon de communication. Elle décrit sa solitude, ses échecs et ses angoisses dans sa vie de lycéenne, d’étudiante, de jeune professionnelle et dans sa vie sentimentale. Élève brillante, elle peine à saisir les codes de la vie en société. Elle cumule une hypersensibilité, notamment aux sons et aux odeurs, à une déconcertante franchise et à une paralysante émotivité. Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans qu’elle pense à l’autisme. Diagnostiquée Asperger, elle se découvre certes différente de la plupart d’entre nous, mais a le réconfort de se voir écoutée et enfin comprise.
Son dessin aux couleurs pastel est simple et naïf. Ses personnages sont juste esquissés, mais ils sont mis en scène. Ses planches posent les situations, fluidifient la narration, mettent de la distance et facilitent l’identification avec l’héroïne. Ses monologues figurent habilement ses doutes et illustrent ses moments de panique où son esprit se perd dans d’innombrables arborescences. Le schéma (p.183) de la tentative d’achat de baguette dans la boulangerie est extraordinaire, tout comme celui (p. 6) de la préparation de son déplacement vers le bureau de poste.
Une fois nommé, elle traduit ce terrible sentiment d’étrangéité par une belle image, qu’elle file tout au long du livre : « L’impression de venir d’une autre planète. Je suis dans ma bulle. Comme un astronaute en voyage sur Terre qui ne quitterait jamais son casque. » Une belle et riche lecture.
Stéphane de Boysson