Il est sans doute inévitable que, dans une série au (très) long cours comme le Donjon, certains épisodes soient moins forts que d’autres, et ce Formule incantatoire ne figurera pas forcément parmi les plus grandes réussites de Sfar et Trondheim. Reste quand même un ouvrage divertissant…
Rappelons qu’on avait adoré Larmes et Brouillard, le Tome 9 de la série Donjon Zénith, qui proposait une histoire beaucoup plus profonde, et émouvante que de coutume… Ce qui fait que, inévitablement, le retour à la « normale » que propose ce nouveau volume est une relative déception : la normale, c’est, dans l’esprit du Donjon, un mélange d’humour absurde et de violence graphique, qui finit au fil des années, par exsuder un sentiment de déjà vu un peu lassant…
Car si la charge contre les traditions religieuses et les croyances rétrogrades, typique du travail récent de Sfar, est encore présente dans ce Formule incantatoire, à travers le comportement ridicule de Marvin (avec son « abat-jour » sur la tête pour ne pas montrer son visage à son enfant, mais aussi d’autres absurdités que vous découvrirez au fil de l’histoire), le reste tient justement beaucoup de la « formule » habituelle de la série !
Alors que la libération des milliers de spectres prisonniers du coffre maudit au sein du Donjon met en péril le monde entier, c’est le brave Horous qui maintient une semblant d’équilibre. Le gardien, soucieux avant tout de récupérer son Donjon, envoie une petite troupe, dont Marvin et Pirzuine, dans une mission désespérée : détruire le coffre ! La partie la plus divertissante du livre concerne le vol d’un poème elfique gardé au sein de la grande bibliothèque des elfes, alors que, comme souvent dans les histoires du Donjon, on n‘échappe pas au sentiment d’une conclusion un peu rapide, et pas très inventive…
On appréciera les références à l’enfance de Pirzuine (les Poupoutpaillonneurs), et le fait qu’enfin, Sfar et Trondheim décident de sacrifier l’un de leurs personnages principaux (… et encore, pas complètement !). A l’image des mécanismes popularisés par la série TV moderne, il serait plus stimulant pour le lecteur de craindre pour la vie de ses personnages préférés dans un monde aussi hostile que celui du Donjon, et de sortir de la logique devenue bien trop traditionnelle des héros invincibles.
Comme toujours Boulet fait un excellent travail pour illustrer tout ça – la couverture est l’une des plus impressionnantes de toute la série – mais à l’impossible, nul n’est tenu : Formule incantatoire ne figurera pas parmi les vraies réussites du Donjon…
Eric Debarnot