Bai Kamara Jr. & The Voodoo Sniffers ont injecté une sacrée dose d’électricité rock’n’rollienne dans leur Blues, hier soir au Jazz Club Etoile, qui, du coup, n’était probablement pas le lieu le mieux approprié pour un concert aussi énergique…
Parce qu’on a découvert Bai Kamara Jr. bien tardivement – avec son dernier album, Traveling Medicine Man, alors que c’était le précédent, Salone, datant de 2020, qui l’a révélé à un plus large public –, il n’était pas question de manquer son concert parisien… Même si le fait qu’il ait été organisé au Jazz Club Etoile, dans l’hôtel Méridien de la Porte Maillot ne laissait évidemment pas envisager une foule déchaînée par l’afro blues, la soul et le rock’n’roll du musicien cap-verdien. Bah, faisons contre mauvaise fortune bon cœur, et profitons du confort de la salle de restaurant (on peut donc manger et boire, à table, pendant le concert… ce qui doit être pour le moins déroutant pour les artistes !), de l’amabilité du personnel, et du large temps imparti à la musique, puisque la soirée débute à 20h30, et doit se terminer à 23h00, avec un entracte d’une vingtaine de minutes entre les deux sets prévus.
Quand il entre en scène à 20h40 et attaque en solo That’s What I Think Of You, l’une de ses premières compositions, Bai Kamara Jr. semble assez tendu : il est vrai qu’il convient d’apprivoiser un public tranquillement assis en train de dîner, dont il doit être difficile de juger l’intérêt pour la musique. Le fait que, au cours des deux morceaux suivants, il sera rejoint progressivement par les quatre membres des Voodoo Sniffers, avec lesquels il a clairement un lien d’amitié fort, va heureusement dérider Bai.
Au sein des Voodoo Sniffers de 2023, on retrouve le génial (et nous pesons nos mots…) Boris Tchango à la batterie, le bassiste Désiré Somé, et le guitariste américain Tom Beardslee, mais aussi un second brillant guitariste et soliste, d’origine belge, Julien Tassin. Très rapidement, on va réaliser l’excellence de ce groupe en provenance de trois continents différents, comme Bai l’annonce fièrement (Afrique, Amérique et Europe, donc…), qui va animer chaque morceau d’une flamme particulière, en conjuguant virtuosité technique et enthousiasme.
C’est le sublime Homecoming. extrait de Salone, qui va faire décoller la soirée, avant même que ce premier set – que Bai nous a annoncé comme « calme, sauf peut-être à la fin… » – ne s’électrifie complètement avec Lady Boss et surtout un très blues rock / rock’n’roll Black Widow Spider, littéralement énorme de sensualité et de puissance. La combinaison des deux guitares de Julien, dans un style Blues assez traditionnel (magnifique solo de guitare à la fin de Evil Never Sleeps…) et de Tom, lui dans une trajectoire plutôt indie rock, est le vrai plus de l’interprétation live des chansons, qui deviennent du coup bien plus énergiques : il suffit de voir comment l’afro blues de Lover oh Lover débouche sur une jam enthousiasmante… Le set se clôt au bout d’une heure sur un tout nouveau titre, Radio Africa, dans une sensibilité plus rock et portant un discours plus politisé : très convaincant… mais nous n’avons encore rien vu !
Car, quand à 22h05, on entame la seconde partie du concert, on est cette fois dans un registre très, très électrique, qui va vite monter en intensité et même devenir occasionnellement frénétique (Lightning Strikes). It Ain’t Easy ralentit le rythme mais balance un autre message politique crié lors d’un refrain rageur. Julien Tassin enflamme le tout avec un solo incandescent. Ouaouh !
Don’t Worry About Me est ajouté de manière impromptue à la setlist, à la demande d’un spectateur / fan, et, même s’il occasionne une pause dans la montée en puissance du set, c’est un titre superbe. « This is where the party begins » crie Bai – qui est passé du français à l’anglais pour la seconde partie du concert, quand il a su que pas mal de spectateurs étaient anglo-saxons dans la salle : et en effet à partie de Cry Baby, on touche le paroxysme de la soirée. Sur le pur rocker qu’est Miranda Blue, on se lève enfin dans la salle pour danser ! Soulagement ! Mais de courte durée, car nombreux sont ceux qui se vont se rasseoir : incompréhensible, littéralement !
I Don’t Roll With Snakes est colossal, avec toute la puissance de feu du groupe… mais on conclura sur le single, plus évident mais moins intense, Shake It Shake It Shake It. Bai fait le tour de la salle en courant pour essayer d’animer le public qui insiste pour rester assis…
Un seul titre pour un rappel raccourci puisqu’on approche les 23h15, mais quel titre ! C’est le lourd et violent Fortune qui clora donc la soirée. Tom Beardslee est à genoux et joue son solo avec les dents, à la Hendrix. Bai Kamara Jr. rayonne littéralement : ce mec, en plus d’avoir une voix magistrale, irradie la gentillesse et la générosité.
Un grand concert, surtout pour sa seconde partie sur les chapeaux de roue… mais qui aurait été bien plus détonnant encore dans une salle faite pour ça. Rêvons donc de les revoir à la Maro ou à Petit Bain, la prochaine fois !
Texte et photos : Eric Debarnot