Le quatrième album des petits maîtres de la pop, Teleman, prouve qu’ils n’ont rien perdu de leur grâce. Et que les chansons, les mélodies et les textes de Thomas Sanders nous sont toujours aussi indispensables…
« Hello again, yeah, it’s me again / I said I’d be back and I’d be your friend » (Re-bonjour, ouais, c’est encore moi / J’ai dit que je reviendrais et que je serais ton ami). Salut, Thomas, ça fait un bien merveilleux d’entendre ta voix à nouveau (même si ce que tu nous racontes dans Short Life, c’est plutôt le mal de vivre contemporain, entre accélération insupportable des choses et solitude terminale). Ça fait du bien de te retrouver avec tes complices de Teleman, distillant à nouveau des mélodies imparables, mais aussi une merveilleuse mélancolie existentielle (à peine) dissimulée derrière l’allégresse de ces chansons pop superlatives que tu nous offres depuis l’époque de Pete and The Pirates. Mon dieu, ça fait plus de 15 ans, que ta voix, tes chansons nous sont devenues absolument essentielles, on a du mal à y croire !
« Lonely, lonely / And it’s better to be loved than lo-lo-lonely » (Seul, seul / Et il vaut mieux être aimé que seul) : c’est ce que tu chantes sur Trees Grow High, une chanson qui prône la joie de grandir ensemble. Et c’est bien que les chansons pop martèlent ce genre d’évidence, du coup on se sent justement moins seuls, même si être aimé, ce n’est pas donné à tout le monde. Depuis qu’on est tombé sous le charme de Cristina, votre premier single et ouverture de Breakfast, votre premier album littéralement sublime, on a quand même toujours peur que, devant le manque de succès endémique de vos albums, tu ne jettes l’éponge. Il y a de quoi en faire des cauchemars, un monde sans nouvelles chansons de Teleman, sans ses chansons qui nous font croire, au moins durant les trois minutes qu’elles durent, qu’il reste des choses positives à espérer.
Nous, en fait, nous n’arrivons pas à concevoir une vie où il n’apparaîtrait pas, de temps à autre, une merveille comme ce Wonderful Times que tu nous offres ici : le genre de chanson qui rappelle combien la musique est purement et simplement notre oxygène. « Fake grass underfoot, rain may never come / I checked the weather forecast, ten years of sun » (Faux gazon sous les pieds, la pluie ne viendra peut-être jamais / J’ai vérifié la météo, dix ans de soleil) : Easy Now I’ve Got You, la quatrième merveille de l’album – avant qu’il marque un peu le pas du point de vue mélodique, sans pour autant rien perdre de sa magie -, prouve que toi aussi, tu es angoissé par l’état de la planète, et qu’il faut beaucoup donner et recevoir beaucoup d’amour pour résister.
On a noté avec un peu de tristesse le départ de ton frère Jonny, responsable des synthés, parti pour se consacrer pleinement à ses musiques de films, et on est donc surpris de constater que sur Good Time / Hard Time, tu as largement abandonné les guitares électriques et privilégié les claviers, l’électronique. Et aussi que tu nous emmènes régulièrement sur le dance floor, la plupart de ces chansons étaient clairement pensées comme « dansantes »… ce qui est une nouveauté pour toi. On ne t’accusera pas – on n’aura pas cette mauvaise foi – de vouloir plaire au jeune public de notre époque en compromettant les principes de Teleman… Car en fait, il y a dans ce nouveau disque une fidélité absolue à ce qui fait depuis 2014 la grandeur de ton groupe : des chansons qui entrent immédiatement dans la tête, une sensibilité fragile, bouleversante parfois, qui touche immédiatement au cœur, des textes clairs qui traduisent immédiatement les mots de notre âme.
Mais oui, cette fois, grâce à toi, on peut même danser sans se trahir : le funk pâlichon aux sonorités « moroderiennes » de I Can Do It For You, l’électro pop millésimée 80’s de The Juice nous permettront de nous trémousser sans avoir honte, avant une dernière ligne droite victorieuse. The Girls Who Came To Stay, au-delà de son électronique aquatique, semble évoquer chez toi un respect pour les Beatles, et McCartney en particulier, que l’on n’avait pas vu venir (ou alors, déjà un petit peu sur Hello Everybody ?). Et Good Time/Hard Time est une conclusion feelgood combinant assez miraculeusement puissance et légèreté, un dernier régal… Qui devrait nous permettre d’attendre quelque temps la sortie de ton prochain disque.
Eric Debarnot
Teleman – Good Time/Hard Time
Label : Moshi Moshi Records
Date de parution : 7 avril 2023
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