Difficile de ne pas prendre du plaisir devant les 10 épisodes de la nouvelle série d’espionnage Netflix, The Night Agent, qui adopte un classicisme de bonne facture, et prend le temps de s’intéresser à ses personnages.
Conspiration au plus niveau au sein de la Maison Blanche, suspicion de terrorisme venu de l’étranger, présidence tenue par une femme dont on critique le manque de fermeté, et surtout un agent du gouvernement forcé de plonger dans la clandestinité pour pouvoir faire éclater la vérité : ça vous rappelle quelque chose ? Oui, en effet, ce rapide résumé du thème de The Night Agent évoque le synopsis d’une saison de 24 heures chrono (avec notre esprit mal placé, on a aimé que le nom de famille du héros soit Sutherland !), ce qui ne nous rajeunit pas…
Et, même si l’on peut déplorer un éternel retour du même, voire une nostalgie d’une époque où la série TV n’était pas encore un phénomène global et gardait une vraie singularité, cette nouvelle déclinaison des thèmes inusables autour des jeux de pouvoir au plus haut niveau et de la nécessité de voir des gens honnêtes de dresser pour préserver l’état, a l’intelligence de jouer la carte du classicisme, et de ne pas chercher à se faire passer pour quelque chose de plus intelligent qu’elle n’est. The Night Agent bénéficie peut-être aussi tout simplement de partir d’un bon roman – que nous n’avons pas lu – de Matthew Quirk, spécialiste de ces sujets politiques, mais il faut reconnaître que nous avons tendance à attribuer la responsabilité de sa réussite à son showrunner, Shawn Ryan, dont nous n’avons pas oublié le formidable The Shield !
Nous voici donc, au-delà de la référence évidente aux aventures de Jack Bauer, dans un genre de cinéma « classique » dont l’exemple le plus accompli date probablement de la saga Jason Bourne, mêlant action relativement réaliste, intrigue complexe, suspense bien tenu et intérêt véritable pour les personnages, pour lesquels de téléspectateur ressentira une véritable empathie, croissante au fil des 10 épisodes. Pour illustrer ce dernier point, qui est finalement l’un des plus gros facteurs du plaisir que l’on retire au visionnage de The Night Agent, il suffit de considérer la manière « respectueuse » dont est traité le couple de tueurs lancés à la poursuite de nos deux héros, Peter Sutherland (Gabriel Basso, plus qu’adéquat avec son look de « good american boy ») et Rose Larkin (l’actrice néo-zélandaise Luciane Buchanan, très convaincante) : The Night Agent va prendre pas mal de temps à nous parler du couple formé par Ellen (l’actrice d’origine russe Eve Harlow, assez saisissante dans toutes ses scènes…) et de Dale, de leur amour compliqué, de leurs traumas, de leur désir inavouable d’enfant et d’une vie de famille normale. Toutes choses totalement inhabituelles dans une fiction de ce type, où l’on réduit les « salauds » à des postures inhumaines, qui rendent plus « acceptables » leurs crimes.
On a un peu parlé de la qualité du casting, l’un des gros atouts de la série, et il faut aussi souligner la remarquable interprétation de Hong Chau dans le rôle très complexe de la « Chief of Staff » de la Maison Blanche : voilà une actrice qui monte en ce moment (on la verra dans Asteroid City, le prochain Wes Anderson, ce qui est quand même une sorte de consécration !), et qu’il faudra suivre.
Bref, même si l’on regrettera quelques (inévitables ?) facilités dans la manière de résoudre des situations inextricables en jouant sur des coïncidences, des hasards ou des comportements improbables, The Night Agent est un véritable plaisir pour les amateurs de films d’espionnage « à l’ancienne ». Et apparemment le début d’une série prometteuse d’aventures de Peter Sutherland, suite à sa promotion finale (c’est un spoiler, oui, mais personne n’imaginait qu’il allait mourir à la fin, non ?).
Eric Debarnot