Le Bleu du caftan, deuxième long-métrage de Maryam Touzani, évoque avec sensibilité et finesse les non-dits autour de la question de l’homosexualité dans la société marocaine. Un film tout en nuances, bouleversant, porté par un très beau trio d’acteurs.
En 2020, on avait découvert la cinéaste Maryam Touzani avec Adam, un premier long-métrage dans laquelle elle dressait le portrait plein de tendresse de deux femmes dont l’une était interprétée magnifiquement par Lubna Azabal. On retrouve l’actrice d’origine marocaine (par son père) dans le deuxième film de la réalisatrice marocaine, incarnant le rôle de Mina, une femme malade, mariée à Halim (Saleh Bakri), un tailleur et couturier, installé dans la médina de Salé. Pendant que lui cout et rénove méticuleusement des caftans, Mina tient la boutique. Mais l’arrivée d’un jeune et bel apprenti (Ayoub Missioui) va quelque peu bouleverser l’équilibre de ce couple.
Présenté à Cannes en 2022 dans la section « Un certain regard », Le Bleu du caftan se situe dans le même registre que le précédent film de Maryam Touzani. On y retrouve cette sensibilité, cette sensualité, cette économie de dialogues, cette manière si délicate de mettre en scène les rapports humains à travers le jeu des regards, des gestes et des attitudes des protagonistes.
Ici, il est question de montrer comment un homme peut vivre son attirance pour les hommes dans une société arabe où l’homosexualité est considérée comme un délit.
Plutôt que de faire un film purement politique, la réalisatrice préfère le ton du mélodrame pour évoquer ce thème ô combien tabou dans les pays du Maghreb et ailleurs, d’aborder cette question à travers l’histoire d’un couple où le secret est bien gardé, où la question n’est jamais abordée, mais où l’un et l’autre savent et s’en accommodent.
Avec ce nouveau film très sensoriel et presque en huis clos, Maryam Touzani montre encore une fois beaucoup de talent et de maîtrise dans son art, proposant un récit dans lequel l’amour tient une fois encore une place centrale, où la position des personnages évolue au gré des événements, et où chacun doit faire des concessions pour que la vie ait l’air normal, et que personne ne se mette en danger.
Si le film parle d’amour, de non-dits, de respect et d’homosexualité, en arrière-plan, il montre la vie au sein de la société marocaine, mais surtout, il rend hommage au travail ces artisans couturiers, au savoir-faire de ces « maalems », un terme donné aux artisans d’art au Maghreb.
Avec un soin tout particulier, nommant dans les mouvements de caméra, la réalisatrice marocaine filme la passion du métier, la beauté des tissus, la finesse des étoffes, l’art de coudre au fil doré, un travail d’art minutieux qui demande temps et patience.
Un film bouleversant, bourré d’humanité, qui plonge le spectateur durant deux heures dans un univers d’une délicatesse absolue.
Benoit RICHARD