Quatrième album du quatuor britannique un temps psyché-rock, mais plus trop, Temples ! Exotico, un voyage sous les tropiques, dans les îles, vers une sorte d’ailleurs musical. Mais un album dont une bonne moitié reste très solide, assez fidèle à ce que le groupe a fait par le passé, en particulier sur Hot Motion.
On ne pourra pas se plaindre qu’on ne nous aura rien dit ! Pour présenter son album, Temples parle d’eaux bleu azur, de visions de cartes postales, de chutes d’eaux et de lagons tropicaux, d’atolls et de plages, de rayons de soleil filtrés par les feuilles des arbres… Nous voilà donc, avant même d’avoir écouté cet Exotico, en plein dans un dépliant pour vacances réservées sur un site de voyage à bas coût. On ose à peine s’imaginer à Punta Cana, dans un transat, face à la mer, sirotant un verre de rosé qu’on est allé tirer à une fontaine en libre-service, au milieu des autres touristes aussi hystériques qu’épuisés par des mois de travail harassant.
Qu’est-ce que Temples, un des fiers et meilleurs représentants du psyché-rock à avoir avec ça ! Temples, qui avait pondu an superbe premier album, Sun Structure, avec tellement de bijoux qu’on ne saurait les nommer tous (c’est vrai que Shelter Song ou Sun Structures sont fameux)! Et si on doit continuer avec la suite de la discographie du groupe, on doit admettre que Volcano (2017) n’était pas mal du tout ! Un côté plus pop, peut-être, un peu moins punchy, un peu plus collage hétéroclite, mais toujours cet enracinement dans les sixties et toujours de bonnes chansons, faisant honneur à la pop britannique. Et Hot Motion (2019) ? Aussi très très bon ! Pas moins psychédélique, mais pas moins pop non plus, festif en diable, des arrangements sophistiqués, des mélodies travaillées et totalement addictives. Bref, de la bel ouvrage. Donc, arrive 2023 et ce voyage exotique… comment dire… À l’écoute, on hésite, on se demande si c’est toujours un album de Temples, si c’est différent, une nouvelle voie, intéressante, ou si c’est moins bon, ou carrément pas terrible. On hésite. Essayons un bilan, morceau par morceau…
Soyons clair, il y a de très bons morceaux parmi les 15 qui composent cet album. Les rythmiques sont souvent très dynamiques, les mélodies sont très bonnes, les arrangements riches. L’album sonne plus comme Hot Motion que comme Sun Structure ou Volcano. Le côté pop est plus marqué, mais il reste quand même quelque chose de psychédélique très marqué comme sur le morceau qui ouvre l’album, Liquid Air ou sur Gamma Ray. Le premier est aussi lent que le second est dynamique, mais les mélodies sont celles qu’on aime chez Temples, la basse est bien présente à chaque fois, les embellissements aux claviers sont intéressants. Avec Gamma Ray, on est revenu à Hot Motion et c’est quand même très bien. Cicada est aussi très bon, un morceau qui pulse bien, avec ses arrangements arabisants du meilleur effet, son refrain entraînant, très entraînant, un peu trop, un peu trop club de vacances (on s’imagine taper dans les mains tous ensemble devant la scène sur laquelle se produirait le groupe). Crystal Hall a un peu plus de coffre, un début tout en puissance, un morceau riche et complexe. Comme Giallo, d’ailleurs. Ces deux morceaux sonnent un peu plus fin des sixties que balade sur la plage. C’est bien plus intéressant.
Après, il y a des morceaux… différents, qui tranchent avec ce que le groupe a fait et ce pour quoi il est connu. Comme Exotico, ou Oval Stones : Est-ce une mélodie pop asiatique qu’on devine ? C’est marrant, et ça peut plaire (et pour tout dire, sans aucune honte, on a bien aimé!), mais on est très loin des débuts, malgré les tentatives en milieu de morceau pour essayer de redonner un tour un peu plus du psych-rock ! C’est sucré, bien sucré, quand même. Encore plus pop, encore plus sucré, encore moins psychédélique (même si, toujours, il y a des moments où le groupe semble se rappeler où il vient) : Oval Stones ou Slow Days, avec ses chœurs et les wap-doo-wap, les solos (un peu dissonants)… On finit quand même par se surprendre à siffloter la mélodie, toute honte bue ! Comme Inner Space, d’ailleurs, un morceau qu’on s’imagine danser sur une plage, en tourbillonnant lentement les cheveux dans le vent… mais le morceau marche pas mal quand même.
Et puis il y a des morceaux qui frisent le dépaysement complet, comme Meet Your Maker, Fading Actor, Afterlife ou celui qui clôture l’album, Movements of Time (une sorte de pochade qui fait effectivement penser à des vacances en Grèce ou quelque part en Méditerranée, pas désagréable pour terminer un album). On est effectivement ici dans une sorte d’ailleurs exotique, qui tranche avec le reste de l’album. Un ailleurs que Temples visite quelques fois avec ses lunettes d’étendard de rockeur psychédélique (Meet Your Maker), mais un ailleurs quand même.
Bref, au final, si tout ce qui fait Exotico n’est pas transcendant, le bilan reste quand même très positif. On est peut-être loin de Sun Structures et si Temples semble explorer d’autres voies, cela reste très plaisant, voire passionnant même.
Alain Marciano