Antoine Ozanam et Marco Venanzi dévoilent l’histoire véridique et oubliée des « Dépisteurs », des enquêteurs privés lancés à la recherche des enfants perdus de la Shoah.
Lors de l’Occupation, pour survivre, des couples juifs jurent contraint de plonger dans la clandestinité. Afin de protéger leurs jeunes enfants, certains les confièrent à des familles de paysans. Nombre de ces fugitifs disparurent dans les camps de la mort. Leurs gamins survécurent et grandirent en ignorant tout de leurs origines. Une fois la paix revenue, des proches s’inquiétèrent de ces disparitions. Ces enfants étaient les seuls héritiers d’histoires tragiques, ils devaient revenir à leurs véritables familles, fussent-elles éloignées. Ils lancèrent sur leurs traces des enquêteurs, tous issus d’une troupe de scouts juifs. Pour des raisons diverses, ils ne furent pas toujours bien accueillis. Par le truchement des aventures romancées de l’un d’entre eux, c’est leur histoire qu’Antoine Ozanam a choisi de raconter,
Samuel est à la recherche d’une jeune fille qui, si elle avait un an en 1943, devrait en avoir 11 aujourd’hui. Sa quête le conduit dans le petit village de Saint-Cirq-Lapopie, dans le Quercy. Avouons qu’il y est mal reçu. Les autochtones se révèlent peu coopératifs. Les renseignements recueillis accroissent le sentiment de mal-être, le mystère s’épaissit et l’affaire prend une tournure chabrolienne. La famille d’accueil a été dénoncé, puis assassinée par les nazis. L’enfant étant mort, pourquoi faire remonter tant de boue ? Une jeune femme, tondue à la Libération pour avoir fréquenté un Allemand, pourrait les avoir dénoncés. Depuis, la « Tondue » vit seule, à l’écart du village, avec ses deux filles.
Très éloigné de l’archétype hard-boiled, Samuel est un brave gars qui prend des coups, sans les rendre, et qui parait impressionnable. Bousculé, il s’évanouit Ses pertes de conscience sont l’occasion d’inquiétants flash-backs. Le scénario mêle plusieurs époques, avec une première « chasse » hivernale où il fut roué de coups, une jeunesse heureuse et, pour qui sait observer, des drames personnels…
Le dessin réaliste de Marco Venanzi est d’un redoutable classicisme. La reconstitution est soignée, les décors variés et la lumière plaisante. Le méconnu Lot s’en trouve, pour une fois, magnifié. Sans surprise, l’officier allemand est blond, beau gosse et peu disert…
Glénat ayant offert au duo deux tomes pour développer leur histoire, il nous faudra attendre un an pour en découvrir le dénouement. Tout au plus, pouvons-nous plaindre le sort de ces enfants à qui un destin cruel fit perdre, consécutivement, deux familles.
Stéphane de Boysson