Deux nouveaux ajouts au catalogue déjà bien fourni des bootlegs de concerts du Loner désormais disponibles en « version officielle » : le second est une compilation de plusieurs enregistrements publics – datant de 1977 – de The Ducks, supergroupe éphémère monté par Jeff Blackburn, Bob Mosley (de Moby Grape), Johnny Craviotto et notre cher Neil.
High Flyin’, des Ducks, est une tout autre paire de manches que le décevant Somewhere Under the Rainbow : on a affaire cette fois à du matériel très rarement, voire jamais encore entendu : 25 titres, dont six de Neil Young, enregistrés au cours de concerts plus ou moins impromptus dans les bars et petits clubs de Santa Cruz (le prix du billet était de l’ordre de 3$ !). Il faut bien admettre que le leader du groupe, le chanteur-compositeur Jeff Blackburn, même s’il a co-composé l’immortel My My Hey Hey (Out of the Blue), n’a rien d’exceptionnel, et on comprend que son œuvre ne soit pas passée à la postérité. L’ouverture de l’album avec un I Am a Dreamer, morceau country rock très standard, n’enthousiasme pas… Et l’album reviendra régulièrement sur ce registre, certes agréable, mais peu original (Hold On Boys, Wild Eyed Willing, heureusement illuminé par l’harmonica et la guitare de Neil, Car Tune…).
Heureusement, High Flyin’ offre un nombre de morceaux très électriques, et où le manque – relatif – de génie des chansons est largement compensé par le bon esprit « rock’n’roll » qui règne sur scène et dans la salle : il est difficile de ne pas apprécier des titres comme les énergiques Younger Days et Gone Dead Train, où les guitares agressives sont au premier plan, comme le blues rock My My My (Poor Man), ou comme les morceaux de pur rockabilly que sont I’m Tore Down, Truckin’ Man, I’m Ready et Honky Tonk Man.
Si l’on entend régulièrement de magnifiques solos de guitare électrique du Loner – comme sur l’intense Truckin’ Man, sur le soul bluesy Your Love, ou sur les ballades Leaving Us Now et Two Riders -, on sera naturellement plus focalisé sur les six chansons de Neil Young présentes dans le tracklisting. Le grand intérêt des versions proposés ici de chansons déjà connues, c’est leur interprétation plus rock, plus dynamique, plus festive aussi, qui les transforme et, soyons honnêtes, leur donne parfois une seconde chance quand il s’agit de chansons mineures.
C’est ainsi que l’interprétation de Are You Ready For the Country, rapide, lourde, emporte immédiatement notre adhésion : voilà probablement l’une des meilleures versions disponibles de cette chanson, souvent considérée comme la plus mineure de Harvest ! Même chose pour la version électrique et bien enlevée de Sail Away, le titre le moins notable de Rust Never Sleeps, vraiment impeccable ici. Human Highway passe aussi comme une fleur au traitement « canards » (nous ne l’avons pas encore signalé mais les « coin coin » se multiplient au fil des morceaux !). Little Wing – de Homegrown – est absolument superbe, confirmant qu’en 1977, Neil volait, justement, très, très haut.
Mais s’il y a un titre qui pourrait justifier à lui seul l’existence et même l’achat de cet album, c’est le sublime Winward Passage : six minutes et demie de démonstration de guitare électrique susceptible de mettre les larmes aux yeux aux plus endurcis des fans hardcore. Le fait que derrière Neil, The Ducks jouent plus léger, plus rapide que Crazy Horse confère au morceau, par lui-même assez classique et typique du style du Loner, une vraie originalité. Mr Soul (« en voilà un extrait des archives noires », ricane Neil) est plus convenu, juste moins heavy, plus speedé que d’ordinaire, mais traversé par de brefs solos fulgurants.
On remarquera enfin Silver Wings, sans doute le meilleur titre de The Ducks (d’ailleurs on aura droit à deux versions sur l’album), où la voix de Neil vient en renfort et où sa guitare fait évidemment merveille, en particulier sur un final frénétique.
Bref, High Flyin’, qui bénéficie en outre d’un son impeccable, vaut clairement de figurer en bonne place dans l’opulente discographie de Neil Young : voici près de deux heures de musique réjouissante, qu’on n’espérait jamais pouvoir entendre, et qui traduit un bon esprit rock typique de l’époque et de l’endroit géographique. Malgré des chansons moins fortes – celles où Neil n’est pas vraiment à la manœuvre – c’est un album bel et bien indispensable à quiconque aime Neil Young !
Eric Debarnot