Zozo c’est un peu le jumeau maléfique de Bozo le clown. Imaginez le sinistre Pennywise de Stephen King s’introduisant dans l’univers de Vuillemin, avec un gros nez hypersexué pour une orgie de gags bien saignants. Âmes sensibles (et consensuelles) s’abstenir !
Zozo, c’est un clown pas du tout sortable, à ne pas inviter à l’anniversaire de vos chères têtes blondes ! Ce drôle de zozo est capable du pire, et n’est jamais aussi content que quand ça gicle de partout. Ses gags à mille lieues du politiquement correct vous feront rire de terreur, et comme si cela ne suffisait pas, vous aurez honte d’avoir ri !
A coup sûr, Zozo le clown ne va pas rallier les suffrages, à l’heure où semble émerger une nouvelle morale dite « inclusive », laquelle, au-delà des domaines « sérieux » comme le social ou la politique, ce qui peut tout à fait s’entendre, cherche également à s’immiscer dans la culture et l’art (on l’a vu récemment avec la réécriture des romans de Roald Dahl ou de Ian Fleming, l’auteur de James Bond). On peut même craindre que l’humour et le second degré ne soient pas épargnés par les nouveaux croisés du politiquement correct, qui se revendiquent d’une ligne progressiste et « tolérante » : surtout ne heurter personne, car les gens, y compris ceux qui lisent, sont comme on le sait, incapables de faire la distinction entre un discours primaire haineux et une parodie, et qu’après avoir lu Mein Kampf, ils marcheront forcément au pas de l’oie en faisant le salut nazi.
En attendant, Zozo n’en a cure et piétine allègrement les tables de la loi de ces curés « modernes » avec ses pompes longues comme des péniches et son tarin en forme de saucisse de Francfort, qu’il aime fourrer partout où il ne faut pas. Ce clown gore adepte de la farce ultime, qui ricane plus qu’il ne rit, ne respecte rien, exulte en écrasant d’innocents poussins, en massacrant les enfants trop bruyants ou en détroussant en même temps les petites vieilles et les voyous qui s’en prennent à elles. Bref, le Zozo punkoïde ne fait pas dans la demi-mesure, et plus le sang et la merde giclent, plus il trouve ça drôle ! C’est sûr, ça ne plaira pas à tout le monde, on pourra même trouver un peu facile voire écœurante cette propension au pipi-caca trash fortement imprégné de l’esprit Ferraille ou Psykopat.
Si Besseron est peu connu dans la BD dite « mainstream », et on comprend pourquoi, il est pourtant un auteur prolixe, avec plusieurs ouvrages publiés principalement chez les éditeurs indépendants, dont le plus connu est les Requins Marteaux, eux-mêmes créateurs de Ferraille. Avec une ligne claire un rien « vintage » et plutôt avenante, l’auteur nous prend complètement par surprise. Car le fond de ces gags régressifs et tranchants comme les doigts-lames de Freddy Krueger n’a absolument rien de lisse. A travers son clown-clone de Pennywise, Besseron semble nous lancer cet avertissement : « marrez-vous, marrez-vous, bande de crétins, vous rirez moins quand la barbarie aura franchi nos portes ! »
Laurent Proudhon