Animateur d’un atelier de dessin à la maison d’arrêt de Caen, Galien témoigne de ce qu’est la vie quotidienne, pour les détenus comme pour le personnel, dans le système pénitentiaire français. Fort.
On sait que la France, honte à elle, est régulièrement pointée du doigt pour les conditions déplorables dans lesquelles sont incarcérés les détenus, sans que cette infamie, indigne d’un pays qui se prétend « développé » (mais le semble de moins en moins…) : avec une densité carcérale supérieure à 100% (c’est-à-dire des effectifs dépassant le maximum possible) dans plus d’un quart des établissements pénitentiaires, avec près de 650 mineurs emprisonnés, avec un niveau de vétusté très élevé des établissements, comment ne pas avoir honte de cette situation, qui pèse non seulement sur les détenus, mais tout autant sur le personnel pénitentiaire. Lire le Carnet de prison de Galien, est, dans ce contexte très noir, une autre manière d’avoir un éclairage – très objectif celui-ci – sur la situation dans nos prisons.
Galien est un auteur de BD qui a été un jour animateur sportif et linguistique, clairement passionné par le « partage » de son métier, de son Art, voire simplement de ses convictions. Quand il est invité à animer un atelier de dessin dans la maison d’arrêt de Caen, il n’hésite pas vraiment. De cette expérience qui durera deux ans et demi, il tirera un long récit illustré – plutôt qu’une BD traditionnelle, même si, suivant les pages, l’importance relative du dessin et des textes varie beaucoup – qui constitue un témoignage précieux de la réalité de ce système en déréliction.
On est loin, très loin même, dans Carnet de prison, de la représentation que les films ou les séries TV, principalement US, nous donnent de cet univers : la violence est certainement là, autour des trafics et du sexe, dans la prison de Caen comme ailleurs, mais, confiné dans la salle de son atelier, Galien ne la verra pas, et en entendra à peine l’écho dans ses conversations avec ses élèves. Et c’est tant mieux, car ce dont Galien nous parle ici, c’est avant tout des hommes : de leur détresse, de leurs ambigüités, de leurs mensonges, de leurs rêves.
Si certains détenus se laissent parfois aller à confier des choses personnelles à Galien, ce n’est pas la règle dans un univers où tout est contrôlé par l’administration, mais également où chacun doit être en permanence sur ses gardes (… y compris Galien !). Carnet de prison va donc être surtout en compte rendu très factuel de pratiques, de procédures, de mécanismes : ça ne semble pas a priori très passionnant, et les premières pages sont même un peu déroutantes par leur refus d’une fiction, voire d’un point de vue subjectif de l’auteur sur son expérience. Mais, rapidement, on se passionne pour Carnet de prison, jusqu’à que, eh oui, l’émotion finisse même par poindre, çà et là.
On referme ce très beau livre (très efficacement illustré, qui plus est) plus intelligent, plus instruit, plus humain aussi. Et on se dit qu’on vient de lire sans doute l’un des livres les plus importants – car les plus honnêtes (mêmes si Galien se laisse un moment aller à évoquer son point de vue personnel sur la politique gouvernementale et sur la société répressive dans son ensemble…) sur ce sujet difficile.
Une lecture indispensable.
Eric Debarnot