Si vous aimez Bon Iver, Bob Dylan et le gravlax alors vous apprécierez Henry St. de The Tallest Man On Earth. Après 4 ans d’absence, le suédois Kristian Matsson nous revient avec sa voix singulière et son folk élégant cette fois-ci mâtiné de bidouillages électro.
Nous avions découvert The Tallest Man on Earth en 2010 avec l’excellent The Wild Hunt d’ailleurs évoqué sur Benzine, je cite « si ce n’est L’album de l’année, au moins un des disques de 2010 », Kristian Matsson, qui prétend être l’homme le plus grand du monde, a pour lui une voix reconnaissable entre toute : un chevrotement dylanien quand il est à son meilleur pour vous émouvoir mais aussi une tessiture mélancolique à la Bon Iver.
Non il n’y a pas qu’Abba en Suède mais aussi des artistes comme Lony, Dear (à écouter absolument) ou Kristian Matsson que la rudesse du climat ne rend pas hystériquement gais… Il cite d’ailleurs Billie Holiday comme l’une de ses références. A l’instar de Bon Iver et For Emma, Forever ago, le suédois, après avoir parcouru le monde pour ses concerts, s’est replié dans sa ferme scandinave pour s’occuper de son jardin, se perdre dans ses pensées et préparer un nouvel album. Pour l’enregistrement de Henry St., il s’est entouré, entre autres, de Rob Moose, CJ Camieri de Bon Iver et a fait produire le tout par Nick Sanborn de Sylvan Esso. Il est important de souligner que la production de ce dernier est en tout point remarquable, c’est d’ailleurs ce qui fait la force du disque… Car l’écueil majeur de la voix et du folk de Kristian Matsson…c’est que cela peut vite tourner au ronron si l’on n’y prend pas garde… Ce n’est pas le cas ici !
Bless You, qui ouvre le disque, ne décoiffera pas les anciens fans… et ravira ceux qui adulent Ron Sexsmith (c’est mon cas), les arrangements de guitare y sont élégantissimes… On comprend aussi que la production du disque aura du coffre. Looking for love qui suit ne dépareille pas : là aussi on retrouve sa patte originelle, sans oublier son talent de mélodiste hors-pair.
Les guitares d’intro et la suite de Every Little Heart nous ramènent à Bert Jansch : bref le garçon a écouté les bons disques, désolé de le répéter, mais c’est élégant et cela fait du bien dans notre monde de brutes.
Major League n’est pas une reprise de Pavement (Major Leagues avec un s) mais plutôt de la country jouée au banjo avec un break tout à fait cool, et une fois de plus cela casse la monotonie qui peut parfois guetter (encore bravo Nick Sandorn à la production).
Henry St., le titre qui donne le nom à l’album, nous ramène à NYC chez Tom Waits, voire chez Randy Newman, ou à Baltimore chez Nina Simone (quand on vous dit que le garçon a écouté les bons disques !). Kristian Matsson s’ouvre ici de nouveaux horizons musicaux, stylistiques et c’est tout à son honneur.
Pour faire cesser cette pluie de louanges… des grincheux anglophones (Pitchfork sans doute à raison) ont trouvé que Matsson, dans ses textes, usait voire abusait de la métaphore jardinière pour décrire ses tourments, et que cela en devenait même embarrassant… Quitte à gâcher la joliesse de sa musique. Nous resterons honnêtes en signalant que l’auditeur francophone n’en a cure ! Certes si vous êtes très ému par une chanson et que vous vous apercevez que les paroles sont cucul… Cela la fout mal. Deux exemples : “You’ll be the rolling cloud/I’ll be the endless sky “ ou encore “ I’ve found rain for my burning pain/I’ve found the dry grass for my burning love”… Il est vrai que c’est émouvant comme de la poésie collégienne, mais on a connu pire dans les standards pop que nous avons chantonnés sous la douche.
Ron Sexsmith (encore lui) ne renierait pas Foothills le titre qui conclut ce très bon disque. Vous l’aurez, je pense compris, Henry St. de The Tallest Man On Earth est plus que recommandé !
Éric ATTIC