Après la déception Rock en Seine, le second concert des Arctic Monkeys à l’Accor Arena fut une bonne surprise. Mais il raconte aussi en creux les limites du groupe dans des conditions stades/grands festivals.
Quelques mois après leur tiède prestation de Rock en Seine, les Arctic Monkeys revenaient à Paris pour deux Accor Arena, leur nouvel album ayant eu entre temps le temps d’être publié et de creuser encore plus chez les fans les fractures initiées par Tranquility Base Hotel and Casino…
Avec, en première partie de ce second concert, Inhaler, soit la bande du fils de Bono. Loin de moi l’envie de lui reprocher d’être fils d’un chanteur célèbre, mais cela méritait mention pour deux raisons. La première est le lien évident père-fils sur certaines intonations. La seconde est qu’avoir en tête le nom de U2 pourra servir dans la suite de ce compte-rendu. Mais en attendant, si le groupe fut correct sur scène et plut au public, sa musique ressemblait à de l’héritage New Wave filtré par le versant le plus fade du rock US mainstream des années 1990.
I’m Gonna Love You Just A Little More Baby de Barry White précèdera l’arrivée scénique des Arctic Monkeys tandis que la reprise de With a little help from my friends par Joe Cocker (natif comme le groupe de la région de Sheffield) retentira une fois le groupe parti.
Entre les deux, un public sans le grain de folie irlando-britannique du concert estival mais réagissant au quart de tour aux tentatives d’interaction d’Alex Turner et connaissant par cœur le répertoire du groupe. Et un groupe qui fut cette fois nettement plus concerné, comme l’a montré l’ambiance ténébreuse de Sculptures of anything goes, issu de The Car, en ouverture. Les morceaux du dernier album seront justement bien intégrés à un set alternant calme et tempête, avec d’un côté un Turner en mode crooner un peu théâtral sur les ballades et énergique sur les morceaux rock, secondé par le discret mais efficace Jamie Cook à la six cordes. Tout juste Are you mine ? et Why’d only call me when you’re high ? donneront-ils le sentiment d’expédier les affaires courantes. On pourrait parler de tel piano ajouté ici ou de l’intro à retardement de Suck it and see mais, à l’image du final War Pigs d’Arabella, ce ne sont que des variations à la marge. Et, bien que prévisible, l’arrivée d’une boule à facette sur l’enchainement There’d Better Be a Mirrorball/505 fit son petit effet.
Mais cette prestation révèle aussi involontairement ce qui pouvait, outre le manque d’implication, clocher du côté de Saint-Cloud. Le succès de l’album AM a donné au groupe une stature à la Oasis. Arctic Monkeys se produiront d’ailleurs à l’Emirates Stadium londonien pour trois soirées. Sauf que le groupe n’est peut être pas fait pour les conditions de stade ou de grands festivals. Les Arctic Monkeys ont à leur actif une palanquée de classiques pop, des textes héritiers du talent d’écriture de leurs glorieux devanciers, et ils peuvent dans un bon jour être fidèles à l’énergie punk de leurs débuts… Mais il leur manque une star pour être à la hauteur lorsqu’ils jouent devant une foule plus grande que celle de ce soir. Turner est nettement plus sympathique que Bono, mais n’a pas cette « star quality » qui ne se mesure pas forcément en nombre de disques vendus. La preuve : bien avant que le peuple américain ne se décide à lui enlever l’étiquette de loser, Iggy l’avait déjà… Du coup, cette réconciliation live avec le groupe ne saurait avoir valeur de recommandation en direction de ceux et celles pour qui le concert des Arctic Monkeys le plus proche se situerait dans un grand stade ou un gros festival d’été.
Texte : Ordell Robbie
Photos : Christophe Cario