On attendait forcément avec impatience le premier concert parisien des Arlonais furieux de marcel, et on n’a pas été déçu devant la rage et l’humour déployés sur la petite scène de l’International !
C’est le week-end de l’Ascension, mais nous, païens et athées au dernier degré, ne voyons pas d’autre moyen pour atteindre le septième ciel qu’une bonne décharge de punk rock furieux. Et pour ça, nous nous sommes dirigés vers l’International, qui accueillait ce soir l’un des nouveaux groupes les plus excitants du Royaume Rock de Belgique, on a nommé marcel ! Le problème étant que, bien évidemment, les Parisiens se sont exilés en masse loin de la capitale, ce qui fait qu’on craint que la petite salle ne soit guère remplie ce soir…
20h : Massacre At Two Pines jouent en format trio ce soir, la section rythmique ayant soi-disant préféré aller à Amsterdam tester des champignons ! Supportés par les amis et la famille venus en force, les trois musiciens semblent rapidement très à l’aise malgré cette formule inhabituelle, et démontrent une belle virtuosité. Leur musique est très américaine comme on peut l’imaginer d’après le nom du groupe et sa référence au Kill Bill de Tarantino. La basse étant assurée à tour de rôle par l’un des deux guitaristes, l’absence de section rythmique ne pénalise que peu l’impact de chansons bien écrites, avec un indéniable sens du classicisme. On apprécie l’usage du dobro, inhabituel de nos jours. La voix du chanteur est convaincante, qui plus est. Nous avons même droit à un rappel non prévu, See You Blush, le titre le plus connu du premier album du groupe, qui dégage une belle énergie… Ce qui nous fait réaliser que le set de 35 minutes aurait pu l’être un peu plus, énergique. On devra donc revoir Massacre At Two Pines au complet pour se faire une opinion plus claire.
21h 00 : La salle s’est malheureusement complètement vidée à la fin du set de Massacre At Two Pines ! Nous vivons un moment d’angoisse passagère quand Antenn.e, le trio lyonnais, démarre son set, et que nous ne sommes que trois spectateurs dans la petite salle ! Heureusement, la musique rameute les buveurs qui procrastinaient au bar du rez-de-chaussée, et on se retrouve rapidement avec une assistance assez honorable pour un vendredi soir en plein milieu d’un pont de 4 jours. La musique d’Antenn.e est passionnante, avec très peu de références évidentes : des constructions abstraites, des moments de dissonance, puis des explosions de furie. Chaque chanson est une aventure sonore, avec parfois des ratés du point de vue vocaux – sans doute le seul petit point faible du groupe – mais toujours de belles surprises. Une corde cassée par la guitariste en tout début de set oblige la section rythmique à improviser une longue introduction, mais c’est finalement l’occasion d’apprécier le talent du bassiste et du batteur. Un appel à la bienveillance – pas forcément indispensable dans l’atmosphère très amicale de l’International – montre la préoccupation des groupes contemporains de sortir des clichés lourdauds du rock d’hier. Il y a beaucoup d’humour, de complicité au sein de ce trio, et un visible plaisir de jouer. On appréciera un long instrumental en avant-dernier titre, puis une étonnante conclusion avec un poème en français qui semble largement improvisé, récité par le batteur (qui ce soir a hérité du surnom de Lino – on ne saura pas pourquoi !) avant un final intense. Antenn.e nous ont fait le cadeau de 45 minutes « différentes », ce qui n’a pas de prix. Ils sont en train d’enregistrer leur premier album, qu’on attend avec impatience…
La salle se vide complètement à nouveau ! Ce qui permet à l’équipe de marcel d’installer tranquillement leur matériel. Heureusement, à 22h20 quand le quintette d’Arlon attaque leur set, la salle est enfin bien remplie d’un public qui va chauffer très vite. Dès le premier titre, election day, on a la confirmation que marcel, sur scène, malgré la bonne humeur qui règne et les plaisanteries sympathiques d’Amaury, c’est du sérieux ! Il y a quelque chose dans la voix d’Amaury et ses poses derrière son micro qui rappelle fortement John Lydon. Les deux guitares envoient du plomb, et de titre en titre l’intensité monte. Le basculement complet dans l’hystérie se produit sur le furieux – et parfait – nechayev & sons (comment ne pas tous brailler « on and on and on and on… » ?)… Le très post-punk blue danube no more et sa litanie de « It’s your turn to cry » que nous demande de répéter Amaury, est le titre le plus complexe, le moins immédiatement sauvage sans doute des 50 minutes de set, mais il se termine dans une sorte d’incandescence radioactive. Le méchant intimité avec son refrain jouissif « et ça fait des gros gouzi-gouzis » prouve que le punk rock belge fonctionne tout aussi bien en langue française. Dernière ligne droite hystérique avec bbl – martèlements furieux de la batterie, sifflets de carnaval et « la la la » chantés à tue-tête, et final à hurler de rage et d’excitation -, puis l’irrésistible playroom. Et nous aurons même droit à un rappel, de la part d’un groupe qui ne fait pas de rappel (ils le disent tous, mais cette fois ce serait apparemment vrai), juste pour le plaisir. Notre plaisir et celui de marcel…
Sinon, et c’est toujours bon à savoir, Amaury a apprécié de faire le touriste dans Paris, mais a regretté que la Révolution française n’ait pas laissé plus de traces… En tout cas, marcel, torses nus et moustaches frémissantes, auront laissé ce soir des traces indélébiles dans notre mémoire.
Texte et photos : Eric Debarnot