Quatre films vus à Cannes pour ce samedi 20 mai 2023 (dont un grand favori pour la Palme d’or). Il y était question de l’horreur nazie, de la famille tunisienne, du pétrole chez les natifs et d’une romance à la française.
The Zone of interest, de Jonathan Glazer
10 ans après l’hypnotique Under the skin, Jonathan Glazer revient pour un sujet encore plus délicat, à savoir la vie quotidienne des Allemands dans un camp de la mort. The Zone of interest questionne la limite du regard porté par le cinéma lorsqu’il aborde l’innommable, et fait un pas supplémentaire, après Le Fils de Saul de László Nemes, dans l’idée de laisser l’horreur hors champ, en se concentrant uniquement sur la maison du commandant qui jouxte le camp. L’effet est dévastateur, tant il met au jour la banalité du mal et dissèque avec une pertinence glaçante les extrémités de la barbarie. Un choix radical de point de vue pour épouser, avec un effroi mutique, ce qui ne peut être appréhendé qu’avec le recul le plus ténu. Un très éprouvant et très grand film, qu’on espère voir au palmarès.
Les filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania
Le film suivant prolonge, d’une certaine manière, ce même questionnement, puisqu’il tente de disséquer le processus ayant conduit deux adolescentes tunisiennes à quitter leur famille pour rejoindre Daesh en Lybie. Les filles d’Olfa est un documentaire à la structure complexe, dans lequel la cinéaste Kaouther Ben Hania interroge Olfa et ses deux filles restantes, et convoque des comédiennes pour reconstituer la vie passée. Du dialogue entre personnages réels et actrices va surgir le témoignage, les doutes, voire quelques règlements de compte qui, au-delà du phénomène de la radicalisation, met surtout au jour le sort des femmes dans une société construite pour les opprimer. Même si quelques effets de mise en scène peuvent s’avérer superflus, les échanges et la confession de la mère sont un rare point d’entrée dans la compréhension du déterminisme et de la souffrance cachée face à ces différentes machines à broyer. Sortie le 5 juillet.
Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese
Killers of the Flower Moon, le tant attendu film fleuve de Martin Scorsese, est à la hauteur de ses promesses. Un sommet funèbre, où le cinéaste filme des comédiens sublimes, une tragédie shakespearienne du poison capitaliste et de l’agonie d’un peuple, où la frénésie coutumière du maître laisse la place à la lente puissance du requiem. Il restera comme une des grandes projections de mes virées cannoises, où la fébrilité et l’attention d’une salle comble prennent une intensité rare. Sortie le 18 octobre.
Le Temps d’aimer, de Katell Quillévéré
Une histoire d’amour entre Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier sur près de 20 ans, de 1945 aux années soixante, où chaque membre du couple porte ses blessures et se pense interdit d’accéder au bonheur. Un film assez touchant bien que relativement classique, mais se permettant de belles incursions dans le monde de la nuit et du jazz, avec une photo colorée et brillante. Sortie le 29 novembre.
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