Au programme des films du lundi 22 mai 2023 à Cannes, il y avait des intrigues à la cour, des pluies acides, des monstres coréens et une éducation particulière.
Firebrand, de Karim Aïnouz
Un film historique où Catherine Parr, la sixième épouse d’Henri VIII, joue son existence à chaque pas puisque son mari a fait répudier ou exécuter toutes les reines précédentes. Les interprétations d’Alicia Vikander et Jude Law, assez méconnaissable, sont à saluer, et les soins apportés à la direction artistique (costumes, décors, lumière en clair-obscur) participent indéniablement à la qualité d’ensemble. Le film reste cependant assez académique, et ne cherche jamais à quitter la convention du genre, soulignant à l’excès certaines situations par des dilatations du temps, des effets sonores et une musique poussive, si bien que l’ennui finit par s’inviter à plusieurs reprises. Ma voisine va chercher l’article sur Catherine Parr sur Wikipédia et le lit tranquillement dans son intégralité. Au-delà du fait que j’ai à son endroit des élans que ne renierait pas le roi lorsqu’il gère ses conflits, je me prends à penser que sa documentation peut sans problème remplacer un film qui n’apporte pas grand-chose au sujet qu’il traite.
Acide, de Just Philippot
Acide (en Séance de Minuit) comme son nom l’indique donc, imagine des pluies toxiques au potentiel destructeur s’abattant sur la France, en convoquant tous les attendus du film catastrophe, avec téléphone sans réseau, panne de voiture, mouvements de foule, porte bloquée et il-m’en-reste-un-peu-je-vous-le-mets-quand-même. Le réalisateur, pas gauche lorsqu’il s’agit de filmer, a consacré son budget à deux tuyaux d’arrosage, quelques flaques d’eau, trois fumigènes et le cachet de Guillaume Canet qu’il a laissé gueuler sur, ou pour, son adolescente de progéniture, tout aussi geignarde, s’acharnant à faire l’inverse de ce qui semblerait vital. Pour le scénario, on se contentera d’un trajet avec embuches et comportements hiératiques. Dans ce marasme et le climat général d’écoanxiété, on retiendra néanmoins une bonne nouvelle : l’acide attaque à peu près tout, sauf les pneus des voitures, ce qui est quand même bien pratique.
Project Silence, de Kim Tae-Gon
Cannes, ce n’est donc pas uniquement du film d’auteur exigeant, et il peut s’avérer tout à fait salutaire de se ménager une petite gourmandise entre deux œuvres de haute tenue. Puisque la France n’a pas tenu sa promesse, je laisse sa chance à une autre Séance de minuit venue de la Corée, Project Silencede Kim Tae-Gon. Un carambolage sur un pont noyé dans la brume, un convoi militaire secret défense, des créatures sauvages en liberté, voilà de quoi ficeler une petite séance pop corn. Scoop : il n’y a pas de pop corn à Cannes, et le film n’en aurait même pas mérité. Scénario indigent, créatures de synthèse, comique gênant, morale digne de Tchoupi apprend à ne pas cloner des chiens, absolument rien ne fonctionne, et la salle se vide à plus grande vitesse que les personnages ne prennent de réelles décisions sensées.
Club Zero, de Jessica Hausner
Jessica Hausner était déjà présente avecLittle Joeen compétition en 2019, et membre du jury l’année dernière. Club Zero s’intéresse à l’emprise d’un professeur de nutrition sur un groupe d’élèves dans un pensionnat privé réservé à l’élite. Hausner s’intéresse moins à des mécanismes psychologiques qu’à des situations ; et la satire froide qu’elle propose vise surtout à fustiger la bêtise des parents privilégiés. Superbement cadré et photographié, le film se propose donc comme une étude clinique un peu arrogante, très linéaire et sans réelle surprise. Il y a fort à parier que Ruben Ostlund, président du jury cette année, adorera.
Plus de détails sur le Journal du festivalier du Sergent Pepper