Le poète ombrageux nous a quitté le 25 mai 2023, il laisse derrière lui plus d’une vingtaine de disques précieux, inspiré par les Manset, Neil Young, Cohen, il a su aussi s’abreuver du rock indé des 90’s. Jean-Louis Murat était unique, il savait nous surprendre à chaque disque, sa singularité nous a accompagnés, il nous manque déjà.
Jean-Louis Murat était un merveilleux troubadour au sens où pouvait l’être François Villon, à la fois un poète, un musicien exquis, un intransigeant mais également un garçon bougon, trousseur de jolies filles (du moins l’imaginions-nous ainsi) et un bougre qu’il ne fallait sans doute pas venir trop chercher dans des joutes verbales. Nous retiendrons surtout celui qui nous fit frissonner lorsqu’il entonna en 1988 « Je jette une orange vers l’astre mort – Quand s’éveille l’ange – Dans mon pauvre corps – J’arrache les pierres au mur épais – Du tombeau de terre où tu m’as jeté », un spleen baudelairien sous volutes électroniques qui ont certes un peu vieilli… qu’importe qu’avions-nous à nous mettre sous l’oreille à l’époque, à part Bashung ou Manset dans le genre désenchanté ? C’est indéniablement cette austérité, cette mélancolie et sa préciosité qui ont séduit beaucoup d’amateurs de rock indé à l’époque, il fut par la suite ardemment soutenu par Libération (Bayon), les Inrocks et Lenoir.
Il n’est guère surprenant que l’Auvergne, ses paysages sévères mais sublimes, son climat difficile, mais fortifiant, ait enfanté en 1952 Jean-Louis Bergheaud. Son pseudonyme viendra d’ailleurs du village, Murat-le-Quayre, où vivaient ses grands-parents. Nous retrouverons toujours trace de ses origines dans la poésie bucolique et sensuelle de ses chansons ainsi dans Le voleur de rhubarbe dans Lilith (2003) « Il fait grand beau – Partout on fane – Au bord de l’empreinte du glacier – Alors mon esprit – Prend par Lusclade – Grisé par les senteurs – De Juillet » mais aussi dans le même titre son empreinte libertine « Et j’emmenais Cathy – Pour sa fête – Regarder le taureau bander ».
Initié musicalement par son père membre d’une harmonie municipale, Jean-Louis Murat part faire des études littéraires sans suite à Clermont-Ferrand, tout en s’étant marié à 17 ans et déjà père. Bref, sa prime biographie n’avait rien à envier à celle d’un chanteur de country, plus tard en 1999, il collaborera avec les chantres d’une alternative country Calexico pour un de ses disques majeurs Mustango. Après un divorce rapide, Il enchainera ensuite des emplois saisonniers avant de revenir dans sa terre natale pour contribuer à un groupe obscur Clara (1977-1978). 1981 voit l’enregistrement de son 1er single « Suicidez-vous, le peuple est mort » dénotant déjà le caractère boute-en-train du Jean-Louis… le titre aura peu de succès, voire sera mal perçu.
Par la suite, tentant sans succès de promouvoir ses compositions et ses maquettes, il faudra attendre 1988 pour que le succès commercial arrive avec Cheyenne Autumn et ses deux titres phares « L’ange déchu » et « Si je devais manquer de toi » à la mélancolie prégnante et toujours l’Auvergne « Si je devais manquer de toi – Autant me priver pour toujours – Des bords de Loire au point du jour ». Profitant de cet engouement, il sortira dans la foulée Le manteau de pluie (1991) qui rencontrera aussi un succès tout à fait mérité : sa voix évanescente, son physique avantageux et la qualité de ses compositions font l’unanimité : « Col de La Croix-Morand » est le point d’orgue. Aussi étonnant que celui puisse paraître en 2023 mais dénotant la côte du garçon à l’époque…Jean-Louis Murat chante alors en duo avec Mylène Farmer (oui oui) sur le titre « Regrets » et fait un tube !
De 1993 à 1999 et la sortie de Mustango, il commence à sillonner les salles françaises, sort un live en 1995, reprend « Entrez dans le rêve » pour sa participation à un album hommage de Manset et publie Dolorès, chronique de ses états d’âme.
Si vous devez commencer par l’écoute d’un album, c’est évidemment Mustango! Enregistré à Tucson avec la crème musicale de l’époque : Calexico, Marc Ribot, Jennifer Charles (Elysian Fields), Murat délaisse ses inspirations passées et élargit le champ (chant). A noter la merveilleuse chanson Polly Jean qui rend évidemment hommage à qui on sait !
Revenant à son tropisme littéraire, il enregistre en 2001 avec Isabelle Huppert les poésies libertines d’une certaine Mme Deshoullières auteur du XVIIe, tout cela sur un tempo rock mâtiné d’une patine baroque… on s’y perd un peu.
Des albums importants vont suivre en 2002 et 2003, Le Moujik et sa femme mais surtout le triple Lilith qui recèle des pépites pour celui qui veut s’en donner la peine, notamment A la morte fontaine ou Émotion, Jean-Louis Murat retrouve sa veine de barde désabusé.
Chassez le naturel…en l’occurrence la poésie, elle revient au galop, en 2007 il enregistre Charles et Léo – Les fleurs du mal sur des musiques de Léo Ferré. Sa verve de passeur littéraire le verra également sortir un album sur des textes de Béranger (pas François mais un oublié du XIXe) puis il adaptera aussi Tristan et Iseult. Pour être tout à fait honnête – et c’est un admirateur qui vous parle – il fut parfois compliqué de suivre toutes les productions de l’auvergnat.
De très notable ces dernières années nous mentionnerions le très beau Taormina sorti en 2007, Babel en 2014 et Il Francese en 2018.
J’ai certainement oublié certains titres, certains albums de Jean-Louis Murat, je m’en excuse, je veux juste souligner à son propos qu’il est un artiste qui nous a accompagnés ces quarante dernières années (comme le fut Bashung pour certains d’entre nous), ses chansons, nous nous les sommes appropriées, ses mélodies, ses paroles nous ramènent à nos tranches de vie. Merci pour cela Jean-Louis, je penserai toujours à toi sur les beaux plateaux altiligériens pas trop loin de chez toi là où La Loire prend sa source.
Éric ATTIC
merci pour ce bel hommage. Dernièrement, BabyLove a été ma respiration pendant le premier confinement. Vu sur scène dernièrement, il y avait l’air plus heureux et serein qu’à bon habitude. Tu nous quittes un peu trop tôt JLM et merci pour toutes cette belle poésie.
Merci pour votre commentaire mais j’avais tenté de prendre les devants en écrivant en conclusion du texte « J’ai certainement oublié certains titres, certains albums de Jean-Louis Murat, je m’en excuse, ». D’autres ont souligné que je n’insistais pas assez sur Dolores, chacun avait son album de Jean-Louis Murat préféré…rien de mal à cela!
Ne pas oublier « le cours ordinaire des choses ».
« Morituri » était pas mal aussi
Merci pour votre commentaire mais j’avais tenté de prendre les devants en écrivant en conclusion du texte « J’ai certainement oublié certains titres, certains albums de Jean-Louis Murat, je m’en excuse, ». D’autres ont souligné que je n’insistais pas assez sur Dolores, chacun avait son album de Jean-Louis Murat préféré…rien de mal à cela!