Adrien Durand vient de faire paraitre au Gospel un nouvel essai, Tuer Nos pères et puis renaître. L’occasion pour nous de lui demander d’évoquer 10 albums de son choix. Au programme : 100 Gecs, North Americans, Joanne Robertson, Steve Roach, Ron Morelli…
L’auteur et journaliste Adrien Durand (rien à voir avec le Adrien Durand de Bon Voyage Organisation) a fait paraitre plusieurs livres sur la musique : Kanye West ou la créativité dévorante, Je suis un loser baby… et, plus récemment, Tuer Nos pères et puis renaître Ce dernier, paru aux éditions Le Gospel le 2 mai 2023, se situe dans une démarche hybride entre essai, chronique culturelle et non-fiction, et vient clôturer une trilogie entamée avec Je n’aime que la musique triste.
On a sauté sur l’occasion pour demander à Adrien d’évoquer 10 albums qui lui tiennent particulièrement à coeur. Le résultat, c’est une sélection bien comme tout.
5 disques du moment :
100 Gecs – 10,000 Gecs
Un de mes amis trouve que 100 Gecs pourrait être sous-titré “Reddit, le groupe”. Je trouve ça aussi drôle que vrai et comme je passe beaucoup de temps sur les threads de Reddit à la recherche de livres ou disques inconnus, ça me va très bien. Sur ce nouveau disque, le duo white trash s’attaque au neo-metal, genre avec lequel j’ai grandi. C’est très bête et très jouissif, même si, comme dans le cas de Turnstile, j’ai toujours un peu l’impression de me faire couillonner par le système quand j’apprécie ce genre de trucs sur-marketés.
Joanne Robertson – Blue Car
La musique de Joanne Robertson est très pure, simple guitare-voix enregistrées en live en jouant sur le reverb de la pièce. Ses collaborations avec Dean Blunt sont aussi magnifiques.
North Americans – Long Cool World
Encore un disque très axé sur la guitare (on ne se refait pas). North Americans est un groupe dont la musique chaleureuse et l’apparente humilité font beaucoup de bien en ce moment, je trouve. Ils jouent une sorte de country folk ambient et instrumentale, simple et profonde. Les visuels qui accompagnent leurs disques sont aussi assez parfaits.
Steve Roach – Atmosphere for dreaming
J’écoute beaucoup de musique new age. Ce disque est composé d’un seul morceau conçu, comme son titre l’indique, pour rêver. J’adore les musiques qui défoncent naturellement, comme celles de Earth ou Laraaji par exemple. J’écoute souvent ce disque en écrivant tard le soir.
Ron Morelli – Heart stopper
Back to the basics, Ron Morelli sort son nouvel album sur son propre label LIES, mélange abrasif et organique de techno et house cradingue. J’ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec lui à une époque, notamment sur ce que peut et doit être l’underground. Je suis heureux de voir qu’il reste fidèle à lui-même.
5 disques pour toujours :
Hole – Live Through This
Je trouve cet album parfait de bout en bout, à la fois dans son écriture, dans sa colère, dans ses respirations. Courtney Love reste à ce jour ma chanteuse préférée. Pour moi, elle est des plus grandes icônes du XXᵉ siècle, une sorte de mélange entre Marilyn Monroe et Nina Simone. J’espère qu’elle refera bientôt des disques.
Vincent Gallo – When
Vincent Gallo a été une figure importante dans mon parcours esthétique et créatif. J’ai vu et adoré Buffalo 66 à sa sortie. C’est grâce à ce film que j’ai découvert Ben Gazzara et donc les films de Cassavetes par ricochet. Je me souviens que When avait surpris énormément de gens avec sa couleur cool jazz mélancolique (c’est aussi grâce à lui que j’ai découvert Chet Baker). Sauf qu’en route, Gallo est devenu un gros abruti avec sa provocation réactionnaire bas du front. L’idée de mon livre Tuer les pères et puis renaître est venue de ce genre de figures tutélaires, de l’envie de les affronter et de questionner mes contradictions (nombreuses) inhérentes à la place que je donne à l’Art dans ma vie.
Kanye West – 808s & heartbreaks
Une autre figure controversée et sacrément compliquée à délimiter intellectuellement, à qui j’ai consacré mon premier livre en 2020. J’aime toujours autant ce disque ultra sombre et pourtant riche à crever d’idées sonores et d’images puissantes. Les morceaux vieillissent aussi bien que toute l’esthétique générale de l’album vieillit mal. Et c’est une dualité qui me le rend d’autant plus précieux.
Cocteau Twins & Harold Budd – The Moon & The Melodies
C’est un disque fabuleux, un des plus beaux des années 1980 pour moi. Budd adoucit les aspérités des Cocteau Twins qui de leur côté emmène le pianiste vers une pop stellaire d’une grâce folle. Je sors mon premier roman cet automne et la fiction repose sur un rapport addictif à la musique de cette époque. Je ne m’en lasse jamais.
Jonathan Fire*Eater – Tremble Under Boom Lights
Je n’ai aucun souvenir de comment ce groupe éclair est arrivé à moi dans les années 1990. Ce dont je me souviens, c’est du sentiment de danger, de saleté, d’odeur de cul et de défonce qui se dégageait de ces chansons. Des années plus tard, j’ai fait la première partie de The Walkmen (le groupe qui a suivi Jonathan Fire*Eater avec un nouveau chanteur) et les mecs ne m’ont même pas dit bonjour. Kill your idols :)