Peach Pit débarque de la fraîcheur de Vancouver mais a fait briller un soleil californien au Bataclan mercredi soir, devant un public très réceptif à la bonne humeur contagieuse du quintet.
Pour ceux qui ne connaitraient pas Peach Pit, rappelons que les Canadiens sont relativement récents sur la scène internationale, et surtout, n’ont pas tant pris leurs marques en Europe, on salue donc le bel exploit d’avoir réuni une foule si passionnée et bienveillante pour une de leurs premières dates parisiennes. Ils le rappelleront, la première fois qu’ils sont venus, c’était au Pop Up du Label en 2018 et « il y avait genre cinq personnes » nous dit le chanteur en anglais. Cinq ans et trois albums plus tard, c’est un Bataclan bouclé que s’offre le quintet.
C’est le jeune Terrier qui a eu le privilège d’ouvrir le concert. Privilège dit-on, car le public déjà conséquent rassemblé pour Peach Pit se montre très chaleureux et bienveillant à son égard. Pourtant, tout ne joue pas en sa faveur, il est seul sur la vaste scène du Bataclan, alors qu’on a déjà pu le voir accompagné de musiciens ailleurs. Qu’à cela ne tienne, Terrier cherche à rendre honneur à la place qui lui est accordée ce soir-là et, si on doute que sa musique et ses textes parfois candides fassent l’unanimité, il parvient à établir un certain lien avec le public. S’emparant parfois de sa guitare, notamment pour interpréter une reprise pop du titre Le gorille de Georges Brassens, David de son prénom sautille, frappe dans ses mains et séduit l’adolescent que nous étions, car Terrier c’est bien cette musique qu’on a aimé sur un coup de tête, qu’on a oublié et qui nous rappelle à l’innocence un peu naïve de nos jeunes années. Sincère et droit dans ses baskets, il nous quitte avec Rue des Pervenches, un titre simple mais accrocheur, à l’image du reste de sa courte setlist.
En lieu et place d’ouverture de leur set, Peach Pit, non, Slayer, non…Peach Pit qui joue du Slayer ? Oui, c’est bien Neil, le chanteur, en crowdsurfing au bout de trente secondes de concert sur fond de hard-rock… Et ça fonctionne. C’est impressionnant de voir avec quelle ferveur le public accueille les Canadiens, et ne les lâchera pas d’une semelle une heure et demie durant. Après une mise en bouche pour le moins surprenante mais survoltée, Peach Pit retombe avec superbe sur leur propre répertoire. A vrai dire, on ne savait pas à quoi s’attendre en live de la part d’un groupe qui surfe sur la vague de l’indie-pop suave. La faute peut-être, à la vilaine habitude de retenir davantage les larmes que les rires que l’on lâche en concert, et pourtant, l’exercice est certainement plus difficile encore de parvenir à diffuser un profond sentiment de joie plutôt que de mélancolie. Peach Pit, eux, y parviennent et sans niaiserie aucune. C’est vivant, c’est joyeux, c’est coloré, et c’est surtout très bien exécuté.
Tous très amis, les musiciens ne jouent jamais de leur côté, les guitaristes se secouent dans tous les sens, jouent tantôt face-à-face, tantôt dos-à-dos, en bref, il y a de la vie sur scène, et ça fait plaisir à voir. Qu’on l’introduise d’emblée, car on y reviendra à ce guitariste qui déchaîne la clameur du public, il s’agit de Chris qui mène à la guitare des riffs d’une intensité jouissive, terriblement entraînants et inventifs. Il s’associe à la guitare de Neil, dont la voix douce guide l’ensemble des compositions, et par moments à Douglas, multi-instrumentiste qui, lorsqu’il n’est pas affairé aux synthés, s’empare de sa gratte pour rejoindre le devant de la scène.
On pourrait parler de quintessence de l’indie-pop, pour un groupe aux mélodies hyper catchy, aux refrains entêtants (Vickie, Sweet FA) et qui pour autant, ne se réduit pas à des structures lisses ou préfabriquées. Le titre Private Presley relève d’ailleurs d’un formidable coup de maître de la part de Chris et Douglas qui, après une ballade lounge guidée par la voix de Neil et la basse de Peter, prennent le relais et dynamitent les cœurs en un duo guitare-violon jouissif.
Chantant souvent à trois ou quatre voix, Peach Pit s’éclate sur scène, et fait déborder sa joie de vivre sur le public qui entonne avec ferveur le refrain d’Alrighty Aphrodite. Le quintet s’autorise à achever Give Up Baby Go avec Hotel California (oui, le morceau des Eagles) et sautent de morceaux en morceaux jusqu’à la fin du set qui s’ouvre naturellement sur une ovation, et une demande de rappel honorée par trois morceaux supplémentaires.
Peach Pit, c’est une histoire d’amitié, ce sont cinq mecs qui jouent ensemble et donnent envie de devenir ami avec l’inconnu à côté de soi, de ne pas avoir honte d’être heureux et le crier haut et fort. Voilà de quoi rentrer chez soi le sourire aux lèvres.
Texte : Marion des Forts
Photos : Robert Gil