Elle nous vient encore d’Angers, et l’engouement est justifié autour de Fragile, jeune formation post-hardcore bien décidée à retourner toute certitude à propos d’un certain engourdissement du rock français.
Le renouvellement du paysage du rock indépendant en France doit beaucoup à l’effervescence musicale qui se trame à Angers depuis quelques années, et cette fois-ci, c’est au tour de Fragile de mettre un coup de pied à la fourmilière du post-hardcore tricolore. Si la dissolution de Wild Fox, autre fruit de la terre fertile angevine, a fait des déçus, il n’en fallait pas moins qu’un groupe de la trempe de Fragile dans lequel a migré Josic, chanteur et guitariste chez les feus renards sauvages, pour incarner l’héritage précieux du rock à Angers. S’y rencontrent aussi des membres de LANE, Dogs for Friends et Scuffles pour donner naissance à l’une des nouvelles formations les plus prometteuses de cette année.
Leur premier EP …About Going Home est loin d’être une ébauche, bien au contraire, ses vingt-cinq minutes que se partagent tout de même huit titres nous prennent assez aux tripes pour regretter qu’il n’y en ait pas quinze de plus. Mais plus qu’un aboutissement, ce disque marque le début d’une aventure que l’on espère riche et bruyante pour ces cinq musiciens débordant de talent et de sincérité.
Fragile offre ces mêmes chœurs que l’on hurle devant Birds in Row ou Touché Amoré, mais on n’est pas tenté de le réduire à une pâle copie. Les Angevins nous proposent ici leur propre adaptation d’un héritage à la fois régional et international, des codes qu’ils connaissent certes par cœur, mais qu’ils manipulent avec justesse. Il y a de cette énergie brute, cette verve tranchante que l’on admire chez les deux groupes précédemment mentionnés, associée à une vulnérabilité profonde qu’il ne s’agit pas de couvrir, mais au contraire d’exposer sans prendre de détour. Ils y vont pleine balle, mais la vitesse chez Fragile n’est pas un cache-misère : les guitares sont saturées mais mélodieuses, soutenues par une salve de percussions, la basse pulse et la voix crie, exulte, libère Baptiste Pelletier de ses propres démons.
Messy Hair nous parle d’auto-destruction, mais l’EP est en fait salvateur, car chacun des titres porte l’aveu d’une faiblesse passée ou présente, surmontée ou non, mais jamais recluse. Le chanteur hurle « Come closer, stand back » sur Winter At The Museum, « Please don’t come inside » sur Murmuration, ou encore « I’m sick » sur Model, en bref autant de lignes aussi intimes que fédératrices qui heurtent avec fracas notre propre sensibilité. Emparez-vous de Laugh/Cry et de son clip, et vous comprenez ce que nous veut Fragile. C’est une histoire de pulsions réprimées à qui l’on offre le terrain approprié pour s’épanouir, c’est une invitation à extérioriser, à rire, pleurer, danser, crier, jusqu’à se retrouver.
…About Going Home est un exutoire passionnant, et une formidable entrée en scène pour Fragile qui dispose d’absolument tous les atouts pour prendre son envol, on lui souhaite un excellent décollage.
Marion des Forts