Sorti au moment où The Girl is Crying in Her Latte confirme que le succès commercial actuel de Sparks pourrait bien durer, Sparks est un livre dont la lecture est indispensable pour tout fan des Frères Mael.
Il est incontestable que depuis le rétablissement inespéré de leur créativité en 2002 avec l’audacieux Li’l Beethoven, puis leur retour au succès commercial avec Hippopotamus en 2017, suivi de la consécration de leur film réalisé avec Leos Carax, Annette, les Frères Mael, aujourd’hui septuagénaires, vivent les meilleurs moments de leur carrière longue de plus d’un demi-siècle. The Sparks Brothers, le documentaire de Edgard Wright revenait en détail sur cette « histoire Rock » à nulle autre parole, mais en termes d’analyse détaillée de chacune des chansons de Sparks, c’est indiscutablement le livre de Thierry Dauge aux Editions du Layeur qui devrait s’imposer comme un must absolu pour tout fan un peu sérieux du duo le plus hors du commun de la musique contemporaine.
Car le travail qu’effectue ici Dauge est tout simplement colossal : il s’agit de passer en revue chacun des albums de Sparks, chanson après chanson, en le situant rapidement dans son contexte, tout du moins en utilisant les quelques informations disponibles, les Frères Mael ayant toujours été d’une discrétion absolue. Le tout est complété par quelques live reports, ceux des concerts parisiens les plus récents de Sparks auquel Dauge a assisté (comme nous, Thierry, comme nous…). Si dans les premières pages, l’écriture précieuse, érudite, de Dauge, qui utilise un vocabulaire riche sonnant d’une autre époque, peut rebuter (comment ne pas se dire dans les premières pages qu’il était possible de dire les mêmes choses plus simplement, ou mieux, plus clairement ?), on se rend rapidement compte que l’auteur a trouvé une manière pertinente, et assez inédite en fait, de raconter la musique de Ron Mael, de la faire résonner entre les pages du livre, avec une exactitude étonnante. Au point que même quelqu’un qui n’aurait – le pauvre – jamais entendu une note de Sparks peut se faire une idée très exacte de ce qu’est cette musique. Ne serait-ce que pour ça, la lecture de Sparks est indispensable.
A l’inverse, s’il est un trou noir dans le livre, une absence qu’on a du mal à comprendre, c’est une analyse toute aussi poussée des textes des chansons, alors que tout fan sait bien que ces textes formidables, souvent hilarants, la plupart du temps, font quasiment autant source de plaisir pour l’auditeur que la musique de Ron Mael. Bien sûr, nous sommes en France, ce qui signifie qu’une bonne partie des fans de Rock ne sont pas forcément rompus à la compréhension de la langue anglaise, surtout chantée au rythme souvent effréné qui est celui de Russell Mael. On a néanmoins du mal à comprendre que seuls quelques commentaires occasionnels mentionnent certains textes, et pas forcément les plus intéressants.
De la même manière, alors que les Frères Mael soignent très particulièrement leurs pochettes, le fait de ne les voir reproduites qu’en petit format dans les pages centrales du livre (et encore pas toutes !) génère une vraie frustration. Sparks auraient mérité plus que tout autre groupe à notre avis un recueil format 33 tours dans la collection Cover chez le même éditeur ! Ou que, au moins, Thierry Dauge nous offre une réflexion sérieuse sur chacune de ces pochettes dont une bonne partie sont mémorables.
Ce sont là les deux plus grands regrets que nous avons en refermant Sparks. Et nous passerons évidemment sur nos désaccords, profonds ou superficiels avec Thierry Dauge quant à la qualité de certains albums ou de certaines chansons (nous préférons quant à nous Angst in My Pants à Whomp that Sucker, et A Steady Drip, Drip, Drip à Hippopotamus), même si l’allergie que manifeste Dauge vis-à-vis des beats électroniques de la période années 80-90 du groupe nous semble tellement systématique qu’elle devient au fil des pages un peu problématique.
En tous cas, répétons-le, Sparks est un ouvrage incontournable pour quiconque est un jour tombé sous le charme inusable de This Town Ain’t Big Enough for the Both of Us. Et nous sommes beaucoup à faire partie de ces très heureux élus.
Eric Debarnot