« Asteroid City » : l’impasse artistique se poursuit dans le désert

Cherchant en partie à renouer avec les thèmes des meilleurs films de Wes Anderson, Asteroid City se perd à force d’une signature formelle tournant à vide, de trop de cérébralité et d’une narration inutilement alambiquée.

Asteroid City
Copyright 2022 Pop. 87 Productions LLC

Film centré sur le mythe de l’artiste américain vivant à Paris, The French Dispatch donnait l’impression que le système Wes Anderson fonctionnait en pilotage automatique, faute de personnages en chair et en os. Le problème d’Asteroid City est un peu plus complexe. Le film tente en partie de renouer avec les familles dysfonctionnelles et les personnages habités d’un sentiment d’aliénation des réussites majeures du cinéaste. On pourrait même voir dans les moments les plus ludiques d’Asteroid City le film que Godard aurait tourné si le COVID s’était produit au tout début des années 1960. Hélas, l’accès à l’émotion est verrouillé à double tour par les velléités post-modernes du dispositif narratif du film et par une signature Wes Anderson en mode surchauffe.

asteroid city afficheBryan Cranston introduit le récit central comme une pièce de théâtre, dans un Noir et Blanc et un 1 :33 renvoyant à la télévision fifties. Avant que pour son récit principal, mobilisant l’imagerie du western et l’ombre des films d’invasion extra-terrestre fifties pour évoquer le confinement, le film ne passe au format Scope. A tout cela, Asteroid City ajoutera les préparatifs et les coulisses de la pièce. Au même titre que les interventions de Cranston, ces derniers sont traversés par l’ombre de l’Actor’s Studio. Actor’s Studio dont certains élèves (James Dean par exemple) jouaient dans des pièces diffusées en direct à la télévision américaine dans les années 1950. Ces multiples couches narratives entre lesquelles le film fait des allers-retours nous rappellent que tout ceci n’est que du cinéma. Les personnages ont conscience d’interpréter un rôle, l’un d’eux peut débarquer dans le récit principal ou se barrer en coulisses. Mise en abyme relevant du pur jeu intellectuel ne servant jamais l’émotion.

Alors certes, le récit principal comporte quelques répliques drôles. Les personnages interprétés par Tom Hanks, Scarlett Johansson et Jason Schwartzman, ainsi que ceux des gamins scientifiques surdoués, retrouvent un peu des thématiques des meilleurs films du cinéaste. Mais le potentiel émotionnel des situations les concernant est saboté par un style vignetté du cinéaste en mode surenchère, n’offrant aucun moment de respiration. Une surenchère de Wes Anderson’s touch se retrouvant chez beaucoup de personnages du récit principal, semblant n’exister que pour permettre le défilé de guest stars habituelles du cinéaste (au hasard : ceux interprétés par Matt Dillon et Steve Carell).

Le film a finalement du mal à dissiper l’impression d’un projet trop majoritairement cérébral et d’une structure narrative inutilement complexe. En fonction du degré d’adhésion à une Wes Anderson’s touch atteignant ici un degré d’indigestion digne du Kusturica des mauvais jours, le verre sera à moitié vide ou à moitié plein. A moitié vide me concernant.

Ordell Robbie

Asteroid City
Film américain de Wes Anderson
Genre : Comédie dramatique
Avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks…
Durée : 1h 46min
Date de sortie en salle : 21 juin 2023

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