Repéré en 2019, avec son roman Trismus paru aux éditions Bartillat, Matthieu Peck fait un retour remarqué, cette fois dans la collection Blanche de Gallimard, pour un second roman tout aussi épatant où il décrit des êtres à la dérive.
Le livre raconte les souvenirs de jeunesse de trois hommes originaires du Lubéron. D’abord Gilles Krafft, principal personnage du roman, celui qui a connu la plus grande réussite au point de devenir un riche industriel d’une cinquantaine d’années. Il y a aussi William Hodlen, qui s’est marié avec Janice et enfin Blaise, père d’Angèle, une étudiante en fac, qui, après avoir accepté un stage d’assistante aux côtés de Gilles Krafft deviendra sa compagne. Il y a aussi Luis, bisexuel ou presque, ami de fac d’Angèle, travaillant dans des bars de nuit ou boîtes à partouze parisiennes pour payer ses études.
Une galerie de personnages hétéroclites dont le portrait se dessine au fil des pages, à travers des confessions, le récit de souvenirs divers, entre regrets et amertume, où chacun semble faire le point sur sa vie, et celle de ses compagnons. Au-dessus de tout ce petit monde, il ya le regard du narrateur, sans concession, qui observe, avec parfois un certain cynisme et pas mal d’ironie, des êtres à la dérive, pris dans leurs tourments intimes, devant composer avec leurs démons, leurs faiblesses et leurs perversions.
Avec ce second roman, Matthieu Peck confirme toute l’importance de sa littérature. Il y déploie un récit extrêmement dense, par moment poisseux, bénéficiant d’une très belle écriture, dans lequel apparait, en filigrane, une forme de noirceur salutaire et réjouissante sur les rapports humains, sur l’amour et l’amitié qui donne au livre une force en profondeur permanente. Ici, pas de place pour les sentiments. En tout cas les bons. Le projet est avant tout de décrire le déclin d’hommes et femmes complexes, dont il reste, à la fin, une part de mystère.
Benoit RICHARD