Ce soir, alors que Paris souffre sous la chaleur excessive de ce début d’été à nouveau caniculaire, et que tout ce que Paris compte de fans de rock s’entasse dans le Stade de France pour célébrer les années 80 avec Depeche Mode, nous avons préféré quant à nous passer la soirée avec les Rennais spécialistes du garage rock à consonance grunge, Clavicule.
20h30 : Rappelons que Shoefiti ont sorti un excellent album, CityT error (oui, avec la faute de frappe) au début de l’année, et c’est donc une bonne nouvelle de les voir à la Boule Noire. La salle est remplie de fans absolus et de membres de la famille comme c’est souvent le cas pour les jeunes groupes parisiens.
De manière paradoxale et amusante (mais on va voir que le groupe, et en particulier le chanteur, Henri, fait preuve de beaucoup d’humour !), le set commence par City Terror, le morceau le plus lent et le plus classique : six minutes pour tromper ceux qui ne connaissent pas le groupe. Après, avec Undertaker, ça tape dur, comme espéré, mais il faut rappeler que les mélodies des chansons de Shoefiti sont vraiment convaincantes. On remarque quand même un usage restreint de la fuzz par rapport à l’album, et également un peu moins de ces dissonances qui pimentent CityT error. L’humour est donc omniprésent, que ce soit dans les textes bien troussés des chansons, ou dans les commentaires de Henri (voir le gag des remerciements familiaux à répétition !). On a droit à un pic d’hystérie sur le final terrible de Maura1982 : on en est à moins de 30 minutes de set, et ces sauvages jouent comme si c’était déjà la fin !
Fausse alerte, on continue : bassiste et guitariste échangent leurs instruments et c’est comme si un nouveau set commençait, avec un son un peu différent. Henri, le chanteur, descend dans la fosse se faire asperger de bière. Deux invités – des copains – viennent tour à tour compléter le groupe et chauffer la salle. Clumsy, chanson molle qui louche vers l’indie rock slacker des nineties, fait un peu retomber l’ambiance, mais l’accélération au milieu de Chocolat Médaille (qui commence également de manière très soft) nous cueille d’un crochet au menton, et on est parti pour la dernière ligne droite du set. Henri lâche complètement sa guitare et vient faire le show, et là, ça devient vraiment formidable : ce type a une voix, une vraie attitude, à la fois impérieuse et généreuse, et il est passionnant à regarder. Ce n’est pas si fréquent de trouver de véritables showmen parmi nos jeunes groupes, et on est heureux d’en tenir un ! La conclusion du fulgurant American Girld (oui, avec une autre faute de frappe !) est, curieusement, moins explosive que sur album, mais de toute manière, et même si c’est devant un public de fidèles convaincus à l’avance, Shoefiti font un triomphe. Et confirment en 55 minutes que nous tenons là un beau groupe de plus !
21h40 : Les potes parisiens de Shoefiti ont été remplacés par les potes rennais de Clavicule, et on n’a évidemment rien perdu au change, tant les Bretons sont chauds bouillants sur ce coup-là. On est donc réunis ce soir devant l’un des tous meilleurs groupes de la scène française pour fêter la sortie de leur second album, le percutant et bien nommé Full of Joy : pas de surprise donc que sept titres sur les dix de l’album figurent sur la setlist, ce qui ne nous laisse plus que la portion congrue pour Garage Is Dead, le premier album, ce qu’on regrettera évidemment. Clavicule n’ont joué que 50 minutes ce soir, et une dizaine de minutes de plus auraient permis d’honorer les chansons plus anciennes qui le méritaient évidemment. Reste que West Marius souffrait beaucoup, visiblement, de la chaleur, et a émis plusieurs fois des doutes quant à sa capacité à ne pas s’évanouir avant la fin du set : on aurait donc eu du mal à trop insister pour que le groupe vienne nous régaler de quelques brûlots supplémentaires extraits du premier album !
Le son, ce soir, est exceptionnel à tous points de vue, c’est-à-dire à la fois en termes de niveau sonore (très élevé, un vrai délice !) et clarté : nous avions pu voir le groupe deux fois au Supersonic, et il faut bien reconnaître que l’excellente sonorisation de la Boule Noire est un plus ! Après un démarrage pied au plancher avec Painkillers, Clavicule alignent les brûlots, conjuguant comme toujours un style indéniablement « grunge » (le chant de West Marius évoquant régulièrement celui du regretté Kurt Cobain) dans une ambiance garage punk. Mais ce sont les gros morceaux du premier album qui emportent le plus l’adhésion : le frénétique My Time, avec sa jouissive explosion de violence speed ; le très « nirvanesque » CAB qui aurait pu figurer sans honte sur Bleach, en dépit de son break presque surf music ; et en conclusion parfaite, l’orientalisant Jericho, qui risque de rester longtemps notre titre préféré de Clavicule.
Grosse ambiance dans la salle, car comme dit un ami, « On n’était pas là pour épiler des kiwis ! ». Et même si certains Rennais présents ont pu trouver le public parisien moins intense qu’espéré, il était sans doute plus difficile qu’habituellement d’organiser un moshpit déchaîné avec la chaleur qui régnait.
Une belle soirée de pur rock’n’roll qui nous a consolés sans peine de n’avoir pas fait le chemin jusqu’au Stade de France…
Texte et photos : Eric Debarnot
Clavicule – Full Of Joy : une explosion de joie… ou de fureur ?