De A comme amnésie à Z pour Zouave, Pierre Bénard nous présente son ami le professeur Tournesol, cette « crème d’homme », dixit le capitaine Haddock. Un tendre et savoureux tryphonnaire pour grands enfants.
Assurément, non seulement Pierre Bénard aime Tintin d’une passion dévorante, mais il s’est aussi attaché à chacun de ses compagnons. Or, Les Aventures de Tintin et de Milou se sont enrichies avec le temps. La série fonctionne par accrétion : au duo initial viendront s’ajouter le capitaine Haddock, puis le professeur Tournesol. L’intempérance et le courage du premier, la surdité et la distraction du second, apporteront l’humour et les surprises qui manquaient à un héros conçu trop parfait.
Tryphon Tournesol, qui n’est pas encore professeur, surgit le cinq mars 1943, en pleine occupation allemande, dans le journal belge Le Soir. L’inconnu propose son aide au capitaine Haddock, qui le renvoie sans ménagement. Hergé est un merveilleux créateur. Le personnage est réussi : en seulement quelques cases, il l’impose définitivement à ses lecteurs.
La plume de Pierre Bénard est belle, le vocabulaire est riche et les longues phrases nous transportent agréablement au gré de sa propre fantaisie : « Il porte sur son visage une expression gentille, obtuse, absente, paumée. Il a courtoisement soulevé soin petit chapeau sur une calvitie lisse et très horizontale. Son nez est une cheville supportant ses bésicles rondes, le bitoniau nasal de Tintin en plus fort, et d’où pendent moustaches et barbe à l’impérial. Son pardessus l’enveloppe comme un cocon trop large. »
Il ne sera fait état du titre universitaire de Monsieur Tournesol qu’à la page 7 d’Objectif Lune. L’inventeur lunatique rivé à son pendule – toujours plus à l’ouest – s’y révèle, à notre grande surprise, un savant atomiste, un concepteur de fusée et un chef d’expédition solide et volontaire. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Au fil des pages de ce dictionnaire amoureux, Pierre Bénard traque la moindre expression de notre ami. Il met l’accent sur sa profonde gentillesse, ses écarts d’humeur, sa surdité sélective, mais aussi quelques détails surprenants qui nous avaient échappé. Ainsi, Tournesol embarque son parapluie, que l’on est enclin à imaginer porte-bonheur, sur la fusée lunaire. Il conçoit des fusées et des armes, mais cultive les roses et se révèle galant homme. Ce livre de passionné est une nouvelle invitation à lire, relire et aimer les œuvres d’Hergé.
Stéphane de Boysson