Avec ce qui pourrait être sa dernière bande dessinée, Christian Lax rappelle l‘importance capitale de l’éducation, une éducation préservée de tout fanatisme religieux ou politique.
En 1833, Fortuné Chabert est un instituteur itinérant heureux. Il passe de village en village en village, dans un monde alpin où la majorité des adultes est encore analphabète. Enseignant « à trois plumes d’oie », il maîtrise la lecture, l’écriture et le calcul. Il émigrera aux États-Unis, se fera chercheur d’or, avant de créer une école, « L’Université des chèvres », dans un village indien perdu sur un haut plateau de l’Arizona.
Cinq générations plus tard, Arizona Florès, sa descendante, est journaliste. Inlassablement, elle dénonce les tueries scolaires et la sidérante incapacité du pouvoir américain à réglementer le port d’arme. Aux yeux des extrémistes de la NRA (National Rifle Association), le salut ne viendra que de l’armement des instituteurs ! En but à la censure d’actionnaires trumpistes, elle rejoint l’Afghanistan afin d’interviewer des femmes courageuses, enseignantes ou femmes politiques, qui risquent leur vie pour lutter contre la barbarie. Elle s’éprend de Senjar, un instituteur itinérant qui, à l’image du vieux Chabert, sillonne la montagne, mais se voit, peu à peu, interdit d’enseigner par les Talibans.
C’est ici que son propos se complexifie. Si Nelson Mandela affirmait que « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde », il ne suffit pas d’éduquer, encore faut-il que l’éducateur échappe aux fanatismes. La fin est moins convaincante, le parallélisme établi entre les deux pays peut laisser entendre que la vie serait plus dangereuse aux États-Unis qu’en territoire taliban.
Christian Lax est un artiste. Son dessin fin et aquarellé est magnifique. Ses couleurs ocres et ses lumières rasantes manifestent sa connaissance et son amour de la montagne. Chaque planche est une invitation au voyage, dans l’espace ou dans le temps. Tant qu’ils sont épargnés par le fanatisme, ses visages sont beaux et doux. Qu’ils soient français, afghans ou américains, ses malins, maltraités par leurs sociétés, aspirent à apprendre. Seul l’adulte peut être mauvais… Certes, pas tous.
Stéphane de Boysson